lundi 25 février 2008

Qu'est ce qu'on attend pour exiger la destitution de Nicolas Sarkozy ?




L'impopularité ne change strictement rien

En mai dernier, au lendemain de l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, j'ai entendu une information à la radio : pour la n-ième fois, le présentateur annonçait une baisse de la popularité de G. W. Bush dans les sondages aux Etats-Unis.


Cette information m'a inspiré deux réflexions.

1) La première, c'est que tôt ou tard, cette situation se produirait également chez nous. Nicolas Sarkozy ayant été élu sur la base de promesses contradictoires et incompatibles (ce que montre très bien le sociologue Eric Fassin dans le film Réfutations), il était clair que le mythe de l'homme politique providentiel (rendu possible par l'extrême passivité des médias, très peu prompts à dénoncer ses mensonges, ses contradictions et son bilan en tant que Ministre de l'Intérieur) ne durerait pas. Il m'avait donc semblé clair que comme Bush aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy serait tôt ou tard un président très impopulaire. La seule inconnue était le temps qu'il faudrait pour qu'une bonne partie de ses électeurs se rendent compte qu'ils s'étaient laissés tromper.


2) Mais la deuxième réflexion, c'est que cette impopularité ne change strictement rien. Bush a beau être impopulaire, il a beau être qualifié de "pire président de l'histoire des Etats-Unis" (article Washington Post), cela ne fait aucune différence. Bush a "fait le boulot", et il continue à mener le travail de sape en profondeur qu'il a engagé. Pour s'en convaincre, il suffit de connaître l'attachement des citoyens américains à la question de leurs "libertés individuelles" (leur attachement à la Constitution des Etats-Unis, au IVe amendement, au Habeas Corpus, etc...), et de le comparer avec la situation telle qu'elle est aujourd'hui (le Patriot Act, le Military Commissions Act, le Violent Radicalization and Homegrown Terrorism Prevention Act, etc...) pour mesurer l'étendue du chemin parcouru, et l'ampleur des régressions, en seulement quelques années.



Il en va de même en France : même si Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages, cette impopularité ne l'empêchera pas de réaliser le méticuleux travail de sape dans lequel il s'est engagé. Car là aussi, c'est bien d'un travail de sape qu'il s'agit.






Un comportement indigne d'un Président de la République


Nicolas Sarkozy utilise sa vie privée de façon ostentatoire comme technique de diversion permanente.
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.


Son attitude et ses déclarations à l'emporte pièce qui consistent à dire un jour une chose et le lendemain son contraire (avec les cheminots, avec les pêcheurs, sur le pouvoir d'achat, etc...) font de nous la risée des médias du monde (voir ici ou ).
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.


La politique de chasse à l'homme avec des objectifs chiffrés d'expulsions, est une politique coûteuse, qui provoque toutes sortes d'aberrations : bébé de 15 mois enfermé dans un centre de rétention ; expulsions de touristes, à leur arrivée ou alors qu'ils s'apprêtaient à repartir ; expulsion d'un avocat de 70 ans, qui réside en France depuis 45 ans, marié à une Française depuis 15 ans, père d'un garçon de 22 ans, inscrit au barreau d'Aix-en-Provence depuis 28 ans ; expulsion d'un homme adopté par une famille française ; rétention d'une mère, son enfant de 11 ans restant seul, etc... Une politique du chiffre pour le chiffre qui crée des situations humainement inacceptables qui déshonorent notre pays.


Nicolas Sarkozy revendique un héritage Gaulliste mais veut imposer sans le moindre débat la réintégration complète de la France dans l'OTAN. Il se fait le soutient inconditionnel des néo-conservateurs américains, viole la Charte de Nations-Unies en proférant des menaces militaires à l'encontre d'un pays qui ne présente pas une menace directe pour notre sécurité. Ce manque de retenue a des conséquences graves pour l'image et la crédibilité de notre pays.






Un Président de la République qui piétine notre Constitution


Mais il y a encore plus grave. Nicolas Sarkozy s'en prend directement, frontalement, à ce constitue les fondements de notre République : sa Constitution.


"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée". (Article 1er - Constitution de 1958).

Une Constitution qu'il est tenu de respecter et de défendre :
"Le Président de la République veille au respect de la Constitution" (Article 5 - Constitution de 1958).


Or Nicolas Sarkozy piétine délibérément notre constitution. Il s'attaque à plusieurs points de l'article 1er :




"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."

Nicolas Sarkozy n'est pas laïque. Le concept de "laïcité positive" dont il revendique la paternité n'est pas de lui : ce sont les propos de Benoit XVI, prononcés le 11 octobre 2005. La position de Nicolas Sarkozy correspond exactement à la vision papale de la place de la religion dans la société. Nicolas Sarkozy va même jusqu'à affirmer sa volonté de réintroduire l'enseignement religieux à l'école publique.
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.





"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."

Le traité de Lisbonne, présenté comme "nouveau" ("mini", "modifié", "simplifié") et dont Nicolas Sarkozy revendique la paternité, n'est ni plus ni moins que le traité rejeté lors du référendum de 2005, rendu volontairement illisible (dixit Valéry Giscard d'Estaing). Nicolas Sarkozy a menti lorsqu'il a demandé aux représentants du peuple de désavouer le peuple. Ces mensonges à répétition ont pour effet d'affaiblir notre démocratie.

Et que dire de son dernier coup tordu pour tenter de contourner la décision du Conseil Constitutionnel ? (Voir également l'article de Sébastien Fontenelle : "Nicolas Sarkozy défie la démocratie").
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.




"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."

Le démantèlement systématique des progrès sociaux hérités du Programme du Conseil National de la Résistance constitue le coeur de sa politique économique et sociale. Nous avons déjà assisté à la réécriture du Code du Travail qui, contrairement à ce qui avait été annoncé, ne s'est pas faite à "droit constant". Et maintenant, il s'agit de liquider l'héritage du Programme du Conseil National de la Résistance ?
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.



Comme Georges W. Bush s'est appliqué à piétiner la Constitution américaine, Nicolas Sarkozy s'applique à piétiner notre Constitution française.







Four more years ?


"Four more years !" (4 ans de plus !). C'était le slogan des partisans de G. W. Bush lors des élections présidentielles de 2004 aux Etats-Unis.


Four more years !! Four more years !! Four more years !!



Four more years, c'est le temps qui nous sépare des prochaines élections présidentielles en France. En êtes-vous si sûrs ?

Sommes-nous condamnés à 4 ans de plus de magouilles, de mensonges, et d'attaques sans relâche contre les valeurs de notre République ?

Une fois de plus, les Etats-Unis fournissent un support de réflexion intéressant. Des initiatives populaires comme Impeach Bush, bien qu'elles soient à la fois timides et bien tardives, sont sources d'inspiration.

Sans un objectif clair, nous sommes condamnés à subir les effets de cette politique indigne de la France, et nous sommes condamnés à voir notre Constitution bafouée par celui qui a la responsabilité de la défendre. Les sondages défavorables n'auront aucun impact, ni sur le contenu de sa politique, ni sur sa manière de la mener. Si nous voulons défendre notre Constitution et les valeurs de notre République, nous devons faire en France ce que les citoyens Américains auraient du faire chez eux il y a bien longtemps. Nous devons exiger la destitution de Nicolas Sarkozy. Cette destitution peut s'obtenir de façon démocratique et pacifique.






Manquement à ses devoirs => Destitution


Dans une démocratie comme le Vénézuela, le Président de la République est soumis à un référendum révocatoire à mi-mandat. En France, nous n'avons pas un tel outil à notre disposition.

Mais dans notre démocratie, dont le principe est : "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple", (Article 2 - Constitution de 1958), rien ne nous empêche d'exiger la tenue d'un référendum révocatoire dans les plus brefs délais.
Dans une démocratie, on obtient ce qu'on veut, à condition d'être suffisamment nombreux à l'exiger.


En piétinant notre Constitution qu'il est censé défendre, Nicolas Sarkozy se rend coupable d'un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec sa fonction de Président de la République. Or, comme l'indique l'article 68 de notre Constitution :
"Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour".

La procédure de destitution est détaillée dans cet article.

Il est à craindre que nos représentants, aveuglés par des luttes partisanes, n'aient pas spontanément le courage de défendre notre Constitution en s'élevant contre un Président de la République qui la menace. Mais nous pouvons les y contraindre. De façon démocratique et pacifique.








Sortir de la torpeur

Nous sommes sans doute nombreux à penser que nous en avons déjà assez vu, et que cette mascarade a assez duré. Il est temps d'y mettre un terme. De façon démocratique et pacifique.

Alors évidemment, ce ne sera pas simple, ça ne se fera pas tout seul, et ce ne sera pas de tout repos. Nous aurons à convaincre une classe politique trop lâche et trop frileuse qui dans un premier temps refusera de prendre ses responsabilités. Nous aurons probablement également à subir l'hostilité des médias dominants, qui défendront sans doute Nicolas Sarkozy bec et ongles. Profitons-en pour réaffirmer haut et fort le fait que l'indépendance et le pluralisme des médias doivent impérativement devenir des questions politiques prioritaires dans ce pays !



Ce ne sera pas simple, mais nous avons des moyens :
  • Tout d'abord, en discutant ! Avec vos proches, vos amis, vos collègues. L'idée de la destitution d'un Président incapable d'assumer ses fonctions et qui menace notre Constitution, doit sortir du tabou dans lequel elle est enfermée. Cette idée doit être reprise, commentée, discutée, agitée.
  • Il faudra signer et faire circuler toutes les pétitions qui iront dans ce sens.
  • Il faudra contacter nos représentants, et exiger d'eux qu'ils nous représentent.
  • Il faudra manifester pacifiquement, le week-end d'abord.
  • Et si ça ne suffit pas, il faudra sans doute également faire grève, jusqu'à ce que nous obtenions gain de cause.




A la question : "peut-on obtenir la destitution de Nicolas Sarkozy ?", la réponse ne dépend que de nous. Si nous sommes prêts à nous mobiliser, alors la réponse est "oui", sans aucun doute. En revanche, si nous ne sommes pas prêts à défendre les valeurs de la République, alors il faudra en tirer les conclusions qui s'imposent : cela signifierait que nous ne méritons pas mieux que Nicolas Sarkozy.


Dans les semaines et les mois à venir, les questions auxquelles nous aurons à répondre, collectivement et individuellement, sont donc :
  • A-t-on quatre ans de plus à perdre avec Nicolas Sarkozy ?
  • Va-t-on permettre qu'un Président de la République bafoue continuellement notre Constitution et les principes de notre République ?
  • Va-t-on oui ou non se mobiliser pour exiger sa destitution ?




vendredi 22 février 2008

Zigouiller l'héritage du Programme du CNR



Il y a quelques mois, j'ai publié un billet dans lequel je reprenais l'appel à commémorer les 60 ans du Programme du Conseil National de la Résistance.


A cette occasion, j'ai donné des liens vers les transcriptions de 4 émissions de radio Des Sous et Des Hommes sur AligreFM, au cours desquelles Pascale Fournier recevait successivement Raymond Aubrac (Grand Résistant), Philippe Dechartre (Grand Résistant, ancien ministre du Général De Gaulle et Doyen du Conseil Economique et Social), Maurice Kriegel-Valrimont (Grand Résistant, Commandant national des forces françaises de l’intérieur en 1944) et Stéphane Hessel (Ambassadeur de France, Résistant qui a rejoint le Général de Gaulle en 1941, déporté à Buchenwald et à Dora).


Quelques extraits de ces quatre interviews :


Raymond Aubrac : 1er mars 2005

Le programme du CNR a été un acte très important et finalement nous avons fait un appel pour essentiellement deux raisons : premièrement, le fait que le gouvernement ait complètement occulté la commémoration de la signature de ce programme et deuxièmement le fait qu' un certain nombre des actes et des décisions politiques que préconisait le Programme est petit à petit détruit, grignoté et détruit par la politique actuelle.


Alors le Programme du CNR est important parce que, d’abord, il symbolise l’unité de la Résistance. Si on avait laissé les choses aller sans un combat très sérieux pour l’unité de la Résistance, la France aurait pu se trouver à la Libération dans un état de guerre civile comme la Pologne, la Yougoslavie ou la Grèce. En réalité, l’unité de la Résistance a été, dans l’ensemble, indiquée et demandée par le Général de Gaulle et réalisé par Jean Moulin qui est arrivé, non sans peine, après beaucoup de négociations très difficiles, à obtenir la réunion du Conseil National de la Résistance, réunissant une majorité de gens d’inspiration de gauche mais aussi des représentants de tous les milieux de la Résistance, y compris des milieux modérés et des milieux de droite. Et après plusieurs mois de négociations difficiles dans les conditions de la clandestinité, l’ensemble de ces représentants, de toute la France qui résistait, est arrivé à formuler un programme.

[...]

Le programme du CNR, comme vous le dites à juste titre, voulait en gros établir une démocratie plus tolérante, plus efficace, plus juste. C’est un programme basé surtout sur la justice. Il préconise, il demande la nationalisation des grands moyens de productions, des banques, des compagnies d’assurances. Il demande l’établissement d’une sécurité sociale qui garantisse à tout le monde un niveau de vie suffisant. Il demande la liberté de la presse surtout vis-à-vis des puissances d’argent. Et en effet dans les premières années après la Libération, un certain nombre de ces recommandations ont été suivies d'effets. Et puis avec le temps, avec les équilibres de forces politiques, on constate maintenant que petit a petit ce qui a été fait par une France exsangue, détruite, malheureuse, pleine des blessures de la guerre est petit a petit détruit, défait par une France qui est maintenant dix fois, vingt fois plus riche qui aurait pu continuer dans cette voie de progrès et qui ne le fait pas !

[...]

J’ai l’impression que l’ensemble des médias est entre les mains d’un nombre très limité de gens. Et que le hasard fait, le hasard j’insiste la-dessus ! , fait que ces gens sont en même temps des grands financiers, des grands capitalistes. Quand je dis le hasard, naturellement, c’est par dérision... Il est clair que c’est à cause de leur puissance économique, de leur puissance financière, de leur poids politique aussi qui va avec, qu’ils ont pu mettre la main sur les médias, et la puissance publique a été impuissante à les en empêcher, pour autant qu’elle ait essayé de le faire, ce que je ne crois pas.





Philippe Dechartre : 8 mars 2005

Parce que bien sûr les conditions ne sont pas les mêmes, on n’est pas en 44, le monde a changé, il va vers ailleurs et il ne faut pas constamment avoir un regard en arrière, il faut avoir un regard en avant. Mais il se trouve qu’il y a des situations qui aujourd’hui rappellent les situations que nous avons vécues, dans un autre contexte, bien sûr, -ce n’est pas identique, mais c’est semblable.

Qu’est-ce qui s’est passé, qu’est ce que se passait en 44 ? Les résistants avaient une idée en tête: premièrement, c’était de chasser l’occupant du pays - quelle utopie ! Mais qui a réussi...- , c’était battre l’armée allemande, faire quelle sorte de France, libérer le territoire! C’était aussi tuer le nazisme, qu’on ne connaisse plus cet enfer cette horreur. Il fallait éradiquer ce monstre. C’était quand même les deux grands piliers de notre comportement. Mais un tel effort, un tel risque, une telle volonté, et j’allais dire soutenu par un immense espoir, c’était pour quoi en définitive ? C’était pour que les lendemains soient meilleurs que ceux que nous avions connus. C’était pour que les forces que nous avions mises dans le combat, on les mette à construire l’avenir. Non seulement pour reconstruire la France qui avait été mutilée, mais pour reconstruire l’Homme et pour lui donner sa vraie place dans la société. C’était ça, c’était un combat qui marquait, bien que nous n’étions pas simplement des existentialistes du moment, mais des hommes qui agissaient pour construire l’avenir et pour construire un avenir où l’Homme serait plus libre et serait plus heureux. Pour construire un monde nouveau.

[...]

Il y avait cette idée, cette idée importante qui était d’ailleurs une idée de De Gaulle et je le cite presque dans les termes où au cours d’une conversation il me l’a dit lui même : « Le progrès économique, bien sûr c’est nécessaire à la vie d’une nation, c’est essentiel, mais il ne faut jamais oublier que la seule finalité du progrès économique, c’est le progrès social ».

Et bien aujourd’hui, dans des conditions moins dramatiques d’aspect, d’apparence, enfin différentes dans tous les cas fondamentalement, les mêmes problèmes se posent. Il s’agit bien sûr de construire un autre monde, mais dans lequel l’individu sera libre mais en même temps l ‘Etat sera présent. De construire un monde où l’économie sera prospère mais où le social ne sera jamais négligé. Où le marché jouera son rôle et l’industrie sera libre, mais où ce qui importe à l’Etat, au contrôle de l’Etat, restera sous le contrôle de l’Etat.

Et c’est pourquoi un certain nombre d’hommes qui se sont engagés dans la résistance pour des raisons militaires d’abord, des raisons patriotiques ensuite, et pour des raisons de construction de l’avenir, retrouvent, retrouvent leur élan, retrouvent leur espoir pour dire : « Attention! Aujourd’hui les dangers sont les mêmes dans un contexte tout-à-fait différent, mais cela appelle aussi notre vigilance, notre action et notre prise de parole ». C’est le sens de ce papier que nous avons signé.

[...]

Le citoyen est en danger, - c’est Anatole France qui disait ça - , le citoyen est en danger quand l’Etat est faible. Bien entendu si on laisse la jungle prospérer, on risque de mauvaises rencontres... Il faut que l’Etat soit là pour à la fois animer, donner de l’élan et contrôler, contrôler les appétits. L’organisation est absolument nécessaire. Par exemple tout bêtement au niveau du territoire, le rôle du préfet reste un rôle essentiel parce que il est l’argument de la cohésion, de la cohésion de la nation. Il faut cela, à la fois sur le plan économique, sur le plan social, et puis sur le plan de la vie politique. Alors cela ne veut pas dire qu' il faut le « tout-Etat »! Pourquoi on en parle aujourd’hui avec crainte, de l’Etat ? C’est parce que il y a eu des idéologies millénaristes qui étaient entièrement construites sur l’absolu de l’Etat et donc qui ne faisaient pas la part de la vie, la part de l’improvisation, la part de l’espoir individuel, de la conquête individuelle du monde, qui compte aussi pour un homme, pour une société. C’est la chute du nazisme, c’est la chute du fascisme, c’est la chute du communisme, la chute des idéologies millénaristes construites uniquement sur la dictature de l’Etat qui a fait qu' aujourd’hui un certain nombre d’hommes et de femmes ont pensé que il fallait laisser aller les choses.
Et bien, laisser aller les choses ou tout concentrer dans l’Etat, c’est la même erreur. Il faut un équilibre des deux. Il faut la spontanéité, et il faut en même temps le contrôle et l’organisation.



Maurice Kriegel-Valrimont : 15 mars 2005

Le programme du Conseil National de la Résistance, en 44, 45 et même 46, a reçu dans un certain nombre de domaines, et en particulier en matière de sécurité sociale, de retraites, de législation scolaire, d’organisation des grands services publics nationalisés et sur un certain nombre d’autres points très importants, des mesures d’application réelle. Ce programme n’est pas resté un programme. Il est devenu un élément de la vie nationale. Et sur ce plan, cet aspect des choses reste dans la vie sociale de la France. La sécurité sociale est un élément constitutif des rapports sociaux français. Or de la façon la plus évidente la Sécurité Sociale est fille de la Résistance. Toute contestation sur ce point est une sottise.

Alors cela est d’autant plus important à l’heure actuelle qu’un certain nombre de ce qui a été réalisé dans les années de l’immédiate après-guerre est actuellement en voie de suppression. Toute une série des mesures qui ont été acquises à ce moment sont mises en question. Il est donc d’une actualité évidente pour les gens qui ont été dans une certaine mesure les artisans de cette transformation de la vie française, qu'ils sont évidemment concernés par la mise en cause de ce à quoi ils ont participé à l’époque.

[...]

Pascale Fourier : Mais certains pourraient vous dire : « Oui, mais il n’y a plus de sous dans les caisses de l’Etat. C’est une nécessité de sabrer la sécurité sociale, les retraites etc! » .

C’est effectivement ce que l’on dit. Seulement ce que l’on dit est d’une inexactitude hurlante si j’ose dire. Pour une raison qui tombe sous le sens et on est surpris que les gens osent le formuler de cette façon. Pour qui a connu 1944, la situation de 1944, qu’est- ce- que c’est? La plupart des ponts en France sont cassés. Les communications sont très difficiles. Les chemins de fer sont dans une situation extrêmement difficile, compliquée et à refaire. Du charbon il n’y en a guère. De l’énergie il n’y en a presque pas. Prenons ce dernier exemple: si vous comparez l’énergie disponible en 1944 et en 2005, non seulement c’est infiniment plus, c’est un énorme multiple, il n’y a littéralement pas de comparaison possible! L’énergie disponible aujourd’hui par rapport à ce qui est le lendemain de la guerre, c’est des dizaines de fois de plus d’énergie disponible! Ca veut dire que les moyens dont le pays dispose sont infiniment plus importants!

Or ce qui est vrai, c’est que, quand nous avons institué la Sécurité Sociale et toute une série d’autres mesures, il y en a qui nous ont dit : « Vous êtes fous! Le pays est dans une situation lamentable! Tout est à refaire, et pour commencer vous imposez là-dessus un élément supplémentaire de charge!ù! ». Heureusement que nous étions des très jeunes gens et nous avons bousculé ce genre d’objections!

[...]


Or quelle est la caractéristique de tout ce qu’on peut appeler des progrès dans les rapports des hommes et des femmes, - et les femmes sont concernées puisque depuis des siècles elles sont en situation maintenue d’infériorité. Qu’est-ce qui permet d’obtenir des résultats ? Qu’est-ce qui assure la réalisation de perspectives, d’espoir qui ne sont pas déçus ? Eh bien, la chose est d’une parfaite évidence! Quand les problèmes sont soustraits au débat et à l’examen, quand ils deviennent des techniques de gouvernement et qu' on oppose ce qu’on appelle « la rue » à des décisions soi-disant majoritaires, mais camouflés dans des endroits qui ne sont pas accessibles à la volonté générale, eh bien, on fait ce que l’on veut, mais ce qui n’est pas conforme à l’intérêt commun.
Or la seule correction efficace à ce phénomène, c’est le fonctionnement démocratique, c’est la participation réelle des gens concernés aux problèmes qui les concernent.

[...]

Donc l’objectif immédiat doit être de rétablir le fonctionnement démocratique réel, que ce soit en matière d’élections politiques, que ce soit en matière de fonctionnement des organisations sociales, que ce soit dans le domaine associatif en général. C’est totalement décisif ! Et de ce point de vue-là, ben, on ne peut pas fixer de dates.... Dans l’Histoire sociale et dans l’Histoire politique, la prétention au prophétisme est toujours un peu puérile.... Donc les dates ne sont pas disponibles... Mais la réalité du phénomène, en ce qui me concerne, pour les avoir vécu un certain nombre de fois, ça ne fait aucun doute! Ce qui s’est produit comme conséquence d’un certain nombre de données se produira encore! Et dans le monde, il existe des signes nombreux qui montrent que les gens ne sont pas disposés à laisser faire indéfiniment ce qui va à l’encontre de leurs intérêts évidents.


[...]

Sur ce plan je passe le relais... Je vais avoir très rapidement 91 ans, ce n’est pas à moi de le dire... J’ai le droit d’avoir une opinion la dessus, mais cela dépend des gens qui vont faire la suite. En 1944, nous avions 30 ans, et nous avons fait ce qu’il y avait à faire. Y compris sur le plan que vous évoquez. Maintenant, c’est à ceux qui ont 30 ans de le faire. Et non seulement je ne prétends pas leur dicter ce qu’ils ont à faire, d’une certaine manière je me l’interdit parce que c’est à eux que ça appartient. En ce qui me concerne je n’ai pas de doutes au sujet du fait qu’ils trouveront les solutions adéquates. Il faut se rappeler que quelques semaines avant le déclenchement des événements de 68, celui qui était à l’époque le meilleur observateur de la politique française, Viasson-Ponté, disait explicitement : « Il se passe rien, il se passe rien, il peut rien se passer ». Et quelques semaines après, vous aviez l’énorme phénomène de 68. Donc il faut se méfier des prévisions un peu trop hâtives...




Stéphane Hessel : 22 mars 2005

[...] nous nous trouvons aujourd’hui à un moment important, dramatique presque, de la globalisation, de la mondialisation, de la victoire des formes et forces d’économie libérale. Et le souvenir que vous avions, c’est qu’en 1944, nous étions convaincus que la France qui surgirait, sortirait de la guerre et de la Libération, devait être exemplaire sur un certain nombres de points qui se situaient exactement à l’inverse, à l’opposé, de ce qu’avait été Vichy, et à plus forte raison ce qu’avait été l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste ou l’Espagne franciste. Il y avait des valeurs auxquelles nous tenions à l’époque. Et nous avions le sentiment que si ces valeurs n’étaient pas assez clairement affirmées, nous risquions d’avoir une France qui ressemblerait à la 3ème République, au mieux, et pis encore, qui aurait des traits hérités de Vichy.

[...]

Ces valeurs sont relativement simples à définir. Elles consistent à ce que le citoyen joue un rôle décisif dans la construction de l’Etat. C’est ce que nous avons appelé et ce que nous appelons la Démocratie. Mais la démocratie réelle ne peut l’être que si les citoyens sont attachés à leur liberté, à leur possibilité de défendre leurs intérêts de citoyen, à la dignité de la personne humaine et aux droits qui y sont attachés. Tout cela, il faut le défendre contre des risques. Ces risques existent. Nous les avons connus pendant la guerre. C’étaient les risques du fascisme et du nazisme. Ce sont aussi aujourd’hui les risques d’une civilisation, d’une société exagérément dépendante des forces économiques, de ce nous avons appelé à l’époque « les féodalités économiques ». C’est contre cela que la Démocratie doit défendre ces propres valeurs : les valeurs sociales, les valeurs culturelles.

[...]

Nous avons voulu alerter nos concitoyens en leur disant : « Il y a 60 ans, c’est ça que nous voulions, et c’est ça que vous avez essayé d’obtenir. Et aujourd’hui c’est en danger. Tout cela est en danger ». La Sécurité sociale est en danger. Les retraites sont en danger. L’Education nationale pour tous, la Recherche, sont en danger. La presse … Prenons la presse… C’est scandaleux la façon dont la presse et les médias, en France, retombent constamment entre les mains des puissances d’argent, ou de ce que nous avons appelé à l’époque des « féodalités économiques ». C’est contre cela qu’il faut essayer de réagir. C’est naturellement le programme des partis de gauche en France de réagir. Mais il faut les soutenir, et il faut leur donner l’ambition de devenir aujourd’hui aussi persuasifs dans leur programme que l’ont été nos camarades du temps du Conseil National. Et n’oublions pas qu’à l’époque, ils vivaient dans la clandestinité. Ils couraient des risques. Aujourd’hui on ne court aucun risque. On peut affirmer ces valeurs. Et il faut les affirmer. Et il faut lutter pour qu’elles se transforment dans une action concrète.

[...]

Et nous n’avons pas le droit de dire que c’est difficile à défendre aujourd’hui, alors que ça aurait été plus facile jadis. Nous avons noté, dans cet appel, qu’à l’époque où nous proclamions ces valeurs, l’Europe était par terre, l’Europe était défaite, elle était pauvre. Aujourd’hui elle est riche. Elle est donc tout à fait capable de défendre ces valeurs. Il suffit de le vouloir, et il suffit de s’organiser entre européens.

[...]

Je pense que c’est la force de cet appel dont nous parlons de précisément rappeler ces valeurs qui restent aujourd’hui aussi importantes à défendre qu’à l’époque. N’oublions pas d’ailleurs qu’à l’époque que vous évoquez, 40 et la suivante, une grande majorité des Français avaient accepté Pétain, Vichy, un régime qui était un régime réactionnaire qui faisait toute la place aux forces économiques et aucune place à la démocratie et aux forces sociales.

[...]

Moi qui circule beaucoup en Europe, je rencontre partout des jeunes et des associations qui veulent une Europe sociale, une Europe énergique, une Europe qui se défend contre les dangers de la mondialisation libérale. Ces dangers, ils existent, et ils faut les combattre avec la même énergie et la même confiance que nous avons jadis combattu les armées allemandes et l’occupation de notre pays.



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Pourquoi est-ce si important de rappeler tout ça aujourd'hui ?


Parce que rien n'est jamais définitivement acquis, et parce qu'il semble bien que nous soyons condamnés à perdre ce que nous ne sommes pas prêts à défendre. C'est vrai pour tout, y compris pour l'héritage du Programme du Conseil National de la Résistance.



La politique économique et sociale de Nicolas Sarkozy est axée vers la destruction méthodique de tous les progrès sociaux obtenus par le Programme du CNR, l'héritage de la Résistance. C'est bel et bien cet objectif qui constitue le fil conducteur de sa politique économique et sociale, et qui lui donne toute sa cohérence.

Ce n'est pas moi qui le dis : ce sont Denis Kessler et Charles Beigbeder qui s'en félicitent !

Un article du Canard Enchaîné du 06 février dernier, repris (entre autres) sur ContreInfo et sur lucky-blog, nous rappelle l'info :





Kessler et Beigbeder semblent donc totalement décomplexés. La prochaine édition du dictionnaire des synonymes de la Novlangue consacrera indubitablement le rapprochement entre les mots "réforme" et "régression". Le mot "progrès" quant à lui a été définitivement rayé de la langue.





Il y a tout de même un tout petit truc qu'il convient de rappeler : la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (Article 1er - Constitution de 1958).


Décomplexés ou non, il y a une chose que Nicolas Sarkozy et ses sbires doivent comprendre : il est des ruptures qui sont des trahisons.


lundi 18 février 2008

La "néo-conservatisa-tion" de l'Europe passera-t-elle par l'OTAN ?



La "néo-conserva"-quoi ?



En mai dernier, j'ai posté un billet à propos de Wolfowitz et de la Banque Mondiale. La vidéo revient sur la "doctrine Wolfowitz", et pose les bases de l'idéologie néo-conservatrice telle que présentée par le PNAC et mise en pratique par l'administration Bush.
Entre autres joyeusetés, on retrouve : l'affaiblissement de l'ONU, l'augmentation des budgets militaires, la notion de "guerre préventive" (qui a entraîne la mort de plus de 1 million d'Irakiens depuis 2003), etc...




En octobre dernier, je revenais en détails sur le livre de Guy Millière (Le futur selon George W. Bush (2005) ). J'insistais en particulier sur la volonté des néoconservateurs Américains de voir leur idéologie s'étendre à l'Europe. Parmi toutes les raisons évidentes de rejeter la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, c'était selon moi la plus importante :


Mais c'est bien en terme de politique internationale que sa contribution pourrait être la plus désastreuse. C'est sans doute Guy Millière, un écrivain français favorable aux néoconservateurs américains qui nous éclaire le mieux sur les enjeux cachés de cette élection, dans son ouvrage : Le futur selon George W. Bush

Je cite (les extraits du livre sont en gras) :

"Les Européens devront comprendre ce qui est très précisément en jeu dans la révolution néoconservatrice américaine, d'une manière ou d'une autre, ou ils disparaîtront, et l'Europe avec eux. La disparition de l'Europe pourra être brutale ou douce, rapide ou lente. Elle pourra être une avancée progressive vers la vieillesse et la décrépitude qu'annoncent les courbes démographique actuelles, une progression vers l'islamisation qui ne sera islamisation modérée que si, et seulement si, la doctrine Bush concernant l'islam est couronnée de succès."

"Le néoconservatisme pourrait-il s'implanter en Europe et, ainsi, sauver l'Europe ?"

"Les Européens ne seront sauvés, s'ils doivent l'être, que par un sursaut immense", m'a dit David Horowitz à Malibu."


Le néoconservatisme. La guerre "préventive". "L'inévitable conflit des civilisations". La légalisation de la torture. Une idéologie qui doit s'implanter en Europe, faute de quoi nous ne serons pas "sauvés". Une idéologie sans laquelle nous "disparaîtrons", d'une manière ou d'une autre.

La France, qui est un grand pays, pourrait bien jouer un rôle majeur dans ce processus de transformation. Au-delà des politicailleries franco-françaises, voilà précisément ce qui constitue l'un des enjeux majeurs de cette élection.




Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, c'est effectivement dans cette direction que nous nous dirigeons.

A ce titre, on peut rappeler les propos de Nicolas Sarkozy devant la conférence des ambassadeurs de France le 27 octobre dernier.
On peut également mentionner l'escalade des menaces à l'encontre de l'Iran auxquelles Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner ont activement participé (des menaces qui sont autant de violations patentes de la Charte des Nations-Unies). Pouvaient-ils ignorer le contenu du rapport du NIE (National Intelligence Estimate) qui déclare : "Nous estimons qu'à l'automne 2003 Téhéran a arrêté son programme militaire nucléaire" ?




Parlons également de l'OTAN, puisque c'est l'objet de ce message. Nicolas Sarkozy a décidé que la France réintègrerait l'OTAN, une organisation qui est et qui restera sous commandement américain (voir cet article).

C'était dans le Traité Constitutionnel Européen rejeté par référendum, c'est donc également dans le traité de Lisbonne imposé par la voie parlementaire : Section 2 - Article 28A

La politique de l'Union au sens de la présente section n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains Etats membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.



La politique de défense commune de l'Union Européenne doit donc être compatible avec celle arrêtée dans le cadre de l'OTAN.

Dans ce contexte, il est tout à fait alarmant que l'idée du recours à des "frappes nucléaires à titre préventif" fasse son chemin au sein de l'OTAN. C'est une question à laquelle il faut s'intéresser au plus vite, faute de quoi nous risquons bien de nous réveiller un beau matin avec la responsabilité partagée d'un holocauste nucléaire perpétré en notre nom.


A lire également : Guerre nucléaire contre l'Iran, de Michel Chossudovsky.


jeudi 14 février 2008

Ne tentez pas les pickpockets !!!



Mesdames et Messieurs, votre attention s'il vous plait.



Rions enfants de la patrie, si vous le voulez bien. Rions pour mieux dissimuler la honte d'avoir un Président de la République aussi pathétique.



Les haut-parleurs de la RATP nous ont craché ce message débile des centaines de milliers de fois :

Ne tentez pas les pickpockets. Fermez vos sacs, et rangez soigneusement votre portefeuille.




Ce message prend néanmoins tout son sens lorsque Nicolas Sarkozy s'en va signer des contrats en Roumanie :


Vu sur : Politique.net



Alors question : la France de Nicolas Sarkozy, c'est plutôt la voyoucratie ou la médiocratie ?

Réponse : les deux mon capitaine !



Il paraît que Nicolas Sarkozy est en ville... Alors ne déconnez pas et planquez vos objets de valeur !!




Un bon message de la RATP se décline dans plusieurs langues. Ca peut éventuellement servir pour les touristes, du moins pour ceux qui auront l'immense privilège de mettre un pied dans le métro avant de se faire expulser :


Ne tentez pas les pickpockets. Fermez vos sacs, et rangez soigneusement votre portefeuille.


Ladies and Gentlemen, beware of pickpockets. Keep your bags closed, and put your wallet in a safe place.


Señoras y señores, no intentan los carteristas. Cierran sus bolsos y guardan cuidadosamente su cartera.

mercredi 13 février 2008

Nicolas Sarkozy part en croisade contre la laïcité



Le discours du Président de la République prononcé au Palais de Latran le 20 décembre dernier ne constitue pas son premier coup de boutoir à l'encontre de la laïcité. Et même s'il a à juste titre provoqué un tollé, ce n'est sans doute pas la dernière attaque de Nicolas Sarkozy pour remettre en cause la loi de 1905.

On se souvient du rapport Machelon, commandé par le Ministre de l'Intérieur (Nicolas Sarkozy) le 20 octobre 2005, et qui lui a été remis le 20 septembre 2006. Un rapport critiqué qui avait provoqué une levée de boucliers de la part de 16 députés, toutes tendances confondues, dans un communiqué de presse du 26 octobre 2006.




Au sujet du discours de Latran, j'ai vu passer pas mal d'articles intéressants. Si je devais retenir 3 sources, ce serait ces trois là :



1) Sur le ton de l'humour, un article de Sébastien Fontenelle sur Vive le Feu : Nicolas Sarkozy est Le Roi De La Caillasse !!





2) Plus sérieusement, à lire absolument, la série de 8 articles de Françoise sur REPVBLICÆ, à qui j'emprunte l'illustration suivante :



© F.



Un travail tout à fait remarquable, truffé de sources et de références historiques, qui démolit point par point le discours de Nicolas Sarkozy. Lorsque je suis tombé dessus, la série était déjà terminée. Je me suis enfilé les 8 articles d'une traite. Vous pouvez les consulter ici :






3) Autre travail très intéressant, celui de Jean-Luc Mélenchon, Sénateur de l'Essonne.

Le document est disponible en ligne au format PDF.


Il y a trois points en particulier sur lesquels il semble important d'insister :
  • Je cite : [...] Tant que le président cite des écrivains et des gens d'églises, il est dans son rôle d'évocation de la participation des Français à une histoire religieuse qui a beaucoup compté pour eux. Mais quand ces évocations portent sur des personnages politiques il en va tout autrement. Notamment quand il s'agit d'évocation de personnages d'ancien régime. Entre l'ancien régime et la République, c'est la rupture qui fait sens, et non l'apparente impression de continuité que donnent la permanence des lieux et la suite des générations. La rupture est celles des principes, des valeurs, des mobiles d'action, des objectifs. Se référer à une histoire commune avec l'ancien régime pour un gouvernant républicain, c'est prendre le risque permanent du contre sens politique.
  • Le concept de "Laïcité positive" n'est pas de Sarkozy. Ce sont les mots de Benoît XVI. Les propos du Président de la République Française (La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale - Constitution de 1958), sont dans la droite ligne de la vision papale de la place de la religion dans la société.
  • Et troisième point, Jean-Luc Mélenchon ne se contente pas d'une approche strictement franco-française. Il analyse les discours de Latran et de Ryad à lumière de l'idéologie du "choc des civilisations", et évalue les prises de position de Nicolas Sarkozy d'un point de vue géopolitique. Il rappelle au passage les propos tenus par Nicolas Sarkozy devant la conférence des ambassadeurs de France le 27 août dernier. Cette réflexion apporte un éclairage pertinent.




Dans la suite de ce billet, je cite quelques morceaux choisis du document de Jean-Luc Mélenchon :



En France, la laïcité de l'Etat est une question sensible. Notre pays a connu trois siècles de guerre civile religieuse, ouverte ou larvée. Les principaux courants qui en ont été protagonistes sont toujours présents et actifs. L'instauration de la laïcité comme principe organisateur et pacificateur de notre république est le résultat de cette histoire. Depuis la loi fondatrice de 1905 instituant la séparation des églises et de l'Etat, le débat a été ouvert à de nombreuses reprises sous des formes diverses et les citoyens s'y sont toujours engagés avec conviction. Le discours du président de la république, par la radicalité de sa rupture avec les principes constants de la République sur ce sujet, semble devoir ouvrir une nouvelle période de confrontation.


[...]


Ce discours ne doit pas être lu comme l'expression de la sensibilité personnelle de Nicolas Sarkozy en matière religieuse. Certes, le président est, selon ses propres termes, un « catholique de tradition et de cœur ». Personne ne lui en fait grief. C'est une conviction qui relève de la sphère privée. Au demeurant il n'est pas le premier président de la république française à être croyant et pratiquant.
Le discours du président de la République devant le chapitre de saint jean de Latran, est une parole officielle prononcée au nom de la République française. C'est celle du président de la République es qualité, représentant tous ses concitoyens français, au moment où il accepte d'endosser une fonction honorifique liée par tradition folklorique à sa charge, celle de chanoine de Latran, paroisse de l'Etat du Vatican dans la ville de Rome. Sur le moment, puis à la suite de son allocution, le président a souligné à diverses occasions l'importance particulière de ce discours. Il s'agit bien d'une définition des principes et de la vision auxquels il entend se référer à propos de la place du fait religieux dans la vie des sociétés modernes en général et de la religion catholique en France en particulier. Les discours qu'il a ensuite prononcés à Ryad en Arabie saoudite, puis pour ses vœux devant le corps diplomatique ou à l'occasion de la réception des chefs religieux à l'Elysée ont confirmé l'importance du discours de Latran dans la définition de la politique que veut conduire le chef de l'Etat. Il existe ainsi une sorte de continuité entre ses différentes expressions qui se complètent de façon assumée. Elles dessinent un tableau d'ensemble. Il se fonde sur une analyse du rapport de la société humaine au fait religieux.



[...]


On doit s'attarder un peu sur le recours à l'histoire profonde du pays pour comprendre que l'exercice n'est pas neutre en lui-même. Tant que le président cite des écrivains et des gens d'églises, il est dans son rôle d'évocation de la participation des Français à une histoire religieuse qui a beaucoup compté pour eux. Mais quand ces évocations portent sur des personnages politiques il en va tout autrement. Notamment quand il s'agit d'évocation de personnages d'ancien régime. Entre l'ancien régime et la République, c'est la rupture qui fait sens, et non l'apparente impression de continuité que donnent la permanence des lieux et la suite des générations. La rupture est celles des principes, des valeurs, des mobiles d'action, des objectifs. Se référer à une histoire commune avec l'ancien régime pour un gouvernant républicain, c'est prendre le risque permanent du contre sens politique. Sans aucun doute le président ne le sait pas. Peut-être n'y a-t-il jamais réfléchi. Il n'empêche. La Référence à Louis IX, canonisé par l'église et connu sous le nom de « saint Louis » est particulièrement malheureuse. On comprend qu'il s'agit de montrer que le pouvoir lui-même en France a été si près du catholicisme qu'il a été reconnu par lui comme figure exemplaire de ses propres valeurs. C'est d'ailleurs un classique des admonestations des papes à tous les souverains français avec qui ils ont été en conflit : citer comme contre modèle « saint louis » leur ancêtre ! Le président veut donc en saluer la « contribution spirituelle » et la « signification morale de portée universelle ». Rien n'est plus discutable. Les raisons qui ont valu au roi Louis IX d'être canonisé par l'église et l'expression de sa piété dans ses décisions politiques ne méritent pas l'hommage d'un républicain. Et peu nombreux sont ceux qui voudraient s'en réclamer s'ils ne s'arrêtaient pas à la légende aimable du roi rendant la justice sous son chêne. En effet le roi Louis IX (1214-1270) fut l'initiateur des boucheries et du fiasco de la 7ème (1248-1254) et de la 8ème croisades (1270). Il s'illustra surtout dans des persécutions sans précédent contre les hérétiques et les juifs. C'est ainsi qu'il institutionnalisa une répression féroce du blasphème par le supplice du pilori et du percement de la langue au fer rouge. En 1242, il soutient une controverse théologique contre le Talmud et ordonne un autodafé de Talmuds à Paris. En 1254, il bannit de France les Juifs qui refusent la conversion. Le succès n'ayant pas été total, il revient à la charge en 1269 pour instaurer le port par les Juifs de signes vestimentaires distinctifs : la rouelle pour les hommes et un bonnet spécial pour les femmes. Le but, annoncé publiquement à l'époque, est de prévenir tout risque de mariage mixte en application d'une recommandation papale de 1215 qui n'avait jamais été appliquée jusqu'alors en France. On voit que le maniement des références et des symboles d'osmose avec la papauté comporte le risque de prendre à son compte une histoire et des préoccupations qui sont précisément ce avec quoi la laïcité de l'Etat Républicain a voulu rompre. Le discernement serait tout aussi utile quand il s'agit d'évoquer une sainte figure comme celle de Bernard de Clairvaux (1090-1153) grand prédicateur de la 2ème croisade (1147-1149) qui s'était alors rendu célèbre par ses mots d'ordre radicaux « le baptême ou la mort » ou encore « conversion ou extermination »...


[...]


Le choix partisan des références prises dans l'histoire de l'ancien régime ne fait que préparer dans le discours de Latran un alignement du vocabulaire du président de la République bien plus spectaculaire et politiquement alarmant dans le jugement porté sur la loi de séparation de l'église et de l'Etat de 1905. Cette loi n'a jamais été analysée par l'Eglise de Rome comme une simple loi d'organisation de la vie commune d'un pays démocratique. Son opposition porte sur le fond de ce qu'implique la séparation des églises et de l'Etat. Cette opposition est totale. Elle est constante. Elle a été rappelée jusqu'en 2005 par le pape Jean-Paul II. La citation de son propos est indispensable pour comprendre l'état d'esprit qui anime le Vatican à ce sujet et dont le vocabulaire choisi par ses porte parole rend compte. On sera alors d'autant plus stupéfait de retrouver les mêmes termes dans la bouche du président de la République française. Voici ce qu'écrit Jean-Paul II aux évêques de France le 11 février 2005 : « En 1905, la loi de séparation des Églises et de l'État fut un événement douloureux et traumatisant pour l'Église en France. » Retenons ces deux adjectifs : douloureux et traumatisant. Ce n'est pas de l'inventaire des biens d'église dont il est question ni du refus de la masse des français de répondre aux appels à la résistance que leur lançait le clergé dont il est question à propos de ce traumatisme. C'est du fond. L'explication du pape est claire : c'est la rupture avec le modèle de la religion d'Etat qu'il dénonce. Voici comment il résume cette « souffrance » à propos de la loi de 1905: « Elle réglait la façon de vivre en France le principe de laïcité et, dans ce cadre, elle ne maintenait que la liberté de culte, reléguant du même coup le fait religieux dans la sphère du privé et ne reconnaissant pas à la vie religieuse et à l'Institution ecclésiale une place au sein de la société. La démarche religieuse de l'homme n'était plus alors considérée que comme un simple sentiment personnel, méconnaissant de ce fait la nature profonde de l'homme, être à la fois personnel et social dans toutes ses dimensions, y compris dans sa dimension spirituelle. » Chaque mot compte dans cette présentation.. Ce que dit le président de la république n'en est que plus stupéfiant. « Je sais les souffrances que sa mise en oeuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. » C'est très exactement le point de vue clérical. Et le président poursuit de façon tout aussi incroyable en donnant raison après coup aux rébellions de l'Eglise : « Je sais que l'interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie, reconnaissons le, une reconstruction rétrospective du passé. » Enfin il conclut : « C'est surtout par leur sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le partage de leurs souffrances, que les prêtres et les religieux de France ont désarmé l'anticléricalisme ; et c'est leur intelligence commune qui a permis à la France et au Saint Siège de dépasser leurs querelles et de rétablir leurs relations » Tout est blessant dans cette déclaration. La stigmatisation de la loi au motif qu'elle n'aurait pas été à l'époque une loi de liberté, acquitte la papauté de l'époque de ses appels à la désobéissance à la loi. La présentation du clergé comme la victime de la situation donne raison au refrain constant de la propagande cléricale. Et plus choquant encore l'évocation du rôle des prêtres dans la guerre de 14 non comme citoyens faisant leur devoir mais comme représentants d'un corps constitué. Sur ce sujet, si mal choisi, il reste à apprendre au président de la République que dans sa condamnation de la loi de 1905 le pape de l'époque protestait aussi contre le fait que l'on décide d' « [...] arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire ».



[...]


Le Président considère que le processus dont le siècle et le courant des Lumières sont l'apothéose n'est pas le mouvement qui compte à ses yeux, quand bien même a-t-il fait « naitre l'ère moderne » selon le mot de Goethe à propos de la grande révolution française. Au contraire. Pour Nicolas Sarkozy, le président de la République, les lumières appartiennent à un espace intellectuel auto limité. De ce fait même elles sont intrinsèquement dangereuses. Son analyse à ce sujet, telle qu'elle est formulée dans le discours de Latran, sert de matrice pour d'autres discours et interviews de presse. Son importance n'a d'égal que sa gravité. « Depuis le siècle des Lumières, déclare le président, l'Europe a expérimenté tant d'idéologies ! Elle a mis successivement ses espoirs dans l'émancipation des individus, dans la démocratie, dans le progrès technique, dans l'amélioration des conditions économiques et sociales, dans la morale laïque. Elle s'est fourvoyée gravement dans le communisme et dans le nazisme. Aucune de ces différentes perspectives - que je ne mets évidemment pas sur le même plan - n'a été en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à l'existence. » Ce serait assez que ces mots aient été prononcés pour que n'importe quelle conscience républicaine se sente profondément blessée par la violence de l'injure qui est ainsi faite. Mais ce qui sans doute est le plus affligeant et consternant est que ces mots aient été empruntés quasi littéralement au pape Jean-Paul II lui-même pour qui le rejet des lumières est un élément central de la construction dogmatique du catholicisme. Pour ce dernier en effet, les Lumières sont le terreau des crimes et tragédies politiques du vingtième siècle. Dans le texte intégral du chapitre « Lumières et idéologies du mal » du document intitulé « Mémoire et Identité » paru en mars 2005, Jean-Paul II étend sa condamnation à la Renaissance elle-même. La raison de fond est parfaitement cohérente. C'est la négation de toute part de vérité pour tout ce qui ne procède pas de la révélation. Ces prémices sont d'ailleurs rappelées avec force en conclusion des raisonnements exposés par le pape : « « Le code moral provenant de Dieu est la base intangible de toute législation humaine dans n'importe quel système, en particulier dans le système démocratique. La loi établie par l'homme, par les parlements et par toute autre instance législative humaine, ne peut être en contradiction avec la loi naturelle, c'est-à-dire, en définitive, avec la loi éternelle de Dieu. » Cette conclusion doit être connue pour bien mesurer toute la portée du raisonnement papal et comprendre la radicale incongruité du ralliement qu'y proclame le président de la République.


[...]


Cependant, l'outrance de ce point de vue a son mérite. Elle signale avec force la piste par laquelle le « raisonnement » religieux fournit une passerelle conceptuelle efficace vers un autre corps de doctrine plus trivialement préoccupé de réalité géopolitique. Il s'agit de la théorie du « choc des civilisations » formulée par Samuel Huntington. Elle est au coeur de la pensée du président Sarkozy à propos de la réalité mondiale de notre époque. Il y a exprimé à de très nombreuses reprises son adhésion intellectuelle. C'est au point que l'on peut se demander si les manifestations d'enthousiasme religieux du président ne sont pas la conséquence de son adhésion à cette théorie plutôt que l'inverse. Le raisonnement de politique étrangère serait premier, l'intime conviction religieuse serait seconde. On pourrait être conduit vers cette conclusion par l'écart remarquable qui apparaît entre la vie réelle du président et ses déclarations de foi religieuse et d'adhésion à la morale catholique.


[...]


Dans ces conditions, le discours prononcé à Latran n'est pas le règlement de compte d'un homme de droite décomplexé avec le récit républicain traditionnel marqué par la domination intellectuelle du courant issu des Lumières. C'est un discours pour l'actualité et à propos de l'actualité telle que la voit le président et dans laquelle il pense que la France doit prendre place. Mais elle ne peut le faire en tant qu'Etat républicain construit sur les bases laïques telles qu'elles sont constituées par son histoire et en particulier celle de la loi de 1905. La République laïque ne peut connaître ni s'intégrer dans la logique du choc des civilisations. Cette impossibilité a éclaté dès son discours sur la politique étrangère de la France. Il y affirmait que « le premier défi » que le monde aurait à relever ce serait « le risque de confrontation entre l'islam et l'occident ». Cette lecture de l'état du monde à partir du fait religieux plutôt qu'en partant des politiques pratiquées par les Etats marquait une rupture du discours de politique étrangère de la France. Mais surtout il implique une conséquence inacceptable pour la France elle-même. Car les citoyens français de confession musulmane s'y trouvent immédiatement placés en situation d'impasse et de soupçon. La tension que cette vision du monde déclenche pour notre pays lui-même montre l'obstacle que représente pour cette vision la définition laïque de l'identité de la République française. On ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit d'une opposition des principes fondamentaux mis en œuvre. Laïcité et politique du choc des civilisations s'opposent point par point sur le plan des principes sur lesquels elles reposent. Coté choc des civilisations, la diversité est la donnée indépassable, côté laïcité c'est l'unité en soi de l'espèce humaine qui est le point d'appui. Là où la politique de civilisation prône la coexistence d'intérêts intrinsèquement différents, la vision laïque postule qu'il existe un intérêt général que la raison des citoyens peut discerner et promouvoir. Là où la politique de civilisation vise une identification à une « famille », la laïcité prône l'indifférence au religieux en politique pour rendre possible l'unité et l'indivisibilité de la communauté civique. C'est pourquoi, point pour point le président est aussi méthodique dans l'affirmation et la mise en œuvre de sa vision du monde. Globalement son projet avéré est la reconfessionalisation de la société.


[...]


Et le président se fait encore plus pressant dans l'interview qu'il donne juste après son discours du Latran au journal papal l'Osservatore romano : «Ça manque les intellectuels chrétiens, ça manque les grandes voix qui portent dans les débats pour faire avancer une société et lui donner du sens et montrer que la vie n'est pas un bien de consommation comme les autres. » Dés lors, la parole présidentielle ne peut que se placer à la frontière de ce qu'elle souhaite c'est-à-dire de la prédication. C'est clairement ce qui se passe dans cette interview quand le président explique dans le style d'un prêche : « Le message du Christ, c'est un message très audacieux puisqu'il annonce un Dieu fait de pardon et une vie après la mort. Je ne pense pas que ce message d'audace extrême et d'espérance totale puisse être porté de façon mitigée. Il nécessite une grande affirmation, une grande confiance et je suis de ceux qui pensent que dans les débats d'aujourd'hui, les grandes voix spirituelles doivent s'exprimer plus fortement » Cette confusion des genres rhétoriques est spectaculaire dans le discours de Ryad. Est-ce vraiment le ton d'un président de la République française de se lancer dans une litanie qui affirme : « « L'Homme n'est pas sur Terre pour détruire la vie mais pour la donner. L'homme n'est pas sur Terre pour haïr mais pour aimer. L'homme n'est pas sur Terre pour transmettre à ses enfants moins qu'il n'a reçu mais davantage. C'est au fond ce qu'enseignent toutes les grandes religions et toutes les grandes philosophies. C'est l'essence de toute culture et de toute civilisation. » Tous les observateurs ont été sidérés par le glissement vers la forme et le ton du prédicateur quand le président est passé à l'évocation de Dieu comme d'une entité présente et indubitable. Il l'a fait sur le mode d'une prière au contenu d'ailleurs assez significatif d'un certain aveuglement devant la réalité de l'action religieuse dans le monde: « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme. Dieu qui n'asservit pas l'homme mais qui le libère. Dieu qui est le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes. Dieu qui par-delà toutes les différences ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d'humilité et d'amour, un message de paix et de fraternité, un message de tolérance et de respect ». Dans l'élan de ce discours, la confusion des genres a été portée jusqu'au point où le président s'est institué commentateur et source de théologie à propos du contenu des religions. Est-ce bien à un chef d'Etat laïque de s'engager sur de tels contenus ?


[...]


Qu'il s'agisse de la façon de parler des prêtres ou de lui-même tout dans ce moment de parole est hors norme de la part d'un chef d'Etat républicain. Jugeons plutôt sur pièce : « Je mesure les sacrifices que représente une vie toute entière consacrée au service de Dieu et des autres. Je sais que votre quotidien est ou sera parfois traversé par le découragement, la solitude, le doute. Je sais aussi que la qualité de votre formation, le soutien de vos communautés, la fidélité aux sacrements, la lecture de la Bible et la prière, vous permettent de surmonter ces épreuves. » Puis il vient à ce qu'il appelle sa vocation avec des mots qui ne sont plus ceux d'un homme qui porte un mandat électif confié par le peuple mais plutôt celui d'une onction de caractère mystique : « Sachez, dit-il, que nous avons au moins une chose en commun: c'est la vocation. On n'est pas prêtre à moitié, on l'est dans toutes les dimensions de sa vie. Croyez bien qu'on n'est pas non plus Président de la République à moitié. Je comprends que vous vous soyez sentis appelés par une force irrépressible qui venait de l'intérieur, parce que moi-même je ne me suis jamais assis pour me demander si j'allais faire ce que j'ai fait, je l'ai fait. Je comprends les sacrifices que vous faites pour répondre à votre vocation parce que moi-même je sais ceux que j'ai faits pour réaliser la mienne. »
En faisant du sacré la mesure de l'authentique, le président a franchi un seuil inacceptable. Il a repris à son compte l'accusation injurieuse des ennemis de la République qui dénonçaient l'amoralisme de « l'école sans dieu ». Entre le prêtre et l'instituteur le président a établi une hiérarchie odieuse que seul les cléricaux les plus fossilisés pouvaient avoir a l'esprit : « Dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s'il est important qu'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance. »


[...]


Dans ces conditions, la description du monde selon Nicolas Sarkozy est condamnée à prendre ses distances avec la formulation républicaine de la laïcité. De la laïcité indifférence de l'Etat vis à vis des religions il passe à la laïcité « neutralité ». Puis la neutralité est décrite comme l'égalité de traitement des religions ce qui est déjà tout autre chose que l'indifférence. Puis, de cette égalité de traitement on glisse à l'idée d'une égale valorisation des religions indispensables au bon fonctionnement de la société et à l'épanouissement des personnes. Bien sûr cela n'a plus rien à voir avec la laïcité de la loi de 1905. On est alors dans un autre espace sémantique. C'est celui que Nicolas Sarkozy appelle « la laïcité positive ».
Ce concept serait une création intellectuelle du président de la République et sa contribution à l'histoire de la pensée sur cette question. Lui-même s'approprie ouvertement l'invention du mot : « c'est ce que j'appelle la laïcité positive » dit-il dans le discours de Latran. « C'est pourquoi j'appelle de mes vœux l'avènement d'une laïcité positive, c'est-à-dire une laïcité qui, tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. » Demander aux pouvoirs publics de reconnaitre que les religions sont un atout, ce n'est évidemment plus la loi de 1905 mais son contraire. C'est parce que la République ne reconnaît aucun culte qu'elle ne les subventionne pas et qu'elle n'en salarie aucun membre. Les deux idées se tiennent étroitement. C'est bien pourquoi, sitôt fini d'énoncer ses soi disantes considérations sociologiques sur l'atout que seraient les religions, le président de la république en vient aussitôt à la nécessité de la réforme de la loi de 1905. : « Il ne s'agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. Les Français ne le souhaitent pas et les religions ne le demandent pas. Il s'agit en revanche de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d'avoir pour principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt que de chercher à la leur compliquer » naturellement le chef de l'Etat se garde bien de dire en quoi consiste selon lui les grands équilibres de la loi de 1905 et on est en droit de penser que c'est une difficulté compte tenu des définition que lui-même donne de la laïcité... cependant on aurait tort de croire que la « laïcité positive » serait une improvisation au fil d'un discours présidentiel. Le terme est trop ostensiblement avancé comme une nouveauté destinée à nommer de nouvelles réalités. En fait il s'agit d'une doctrine très construite. Elle décrit une méthode du retour du religieux dans tout l'espace public conformément à ce qu'en a dit le président au fil de ses discours. Mais ni l'idée ni le mot, ni l'enchainement du raisonnement ne sont de lui. C'est un concept papal. Il a été produit par Benoît XVI. Celui-ci l'a résumé notamment dans son message 11 octobre 2005 au Président du Sénat italien Marcello Pera, à l'occasion du colloque « Laïcité et liberté » organisé les 15 et 16 octobre par les Fondations Magna Carta et Subsidiarité. « J'encourage une saine laïcité de l'Etat en vertu de laquelle les réalités temporelles sont régies par des normes propres, auxquelles appartiennent aussi ces instances éthiques qui trouvent leur fondement dans l'essence même de l'homme. [...] Parmi celles-ci le “sens religieux” a certainement une importance primordiale : là s'exprime l'ouverture de l'être humain à la Transcendance. Un Etat sainement laïc devra logiquement reconnaître un espace dans sa législation à cette dimension fondamentale de l'esprit humain. Il s'agit en réalité d'une “laïcité positive” qui garantisse à tout citoyen le droit de vivre sa foi religieuse avec une liberté authentique y compris dans le domaine public. [...] Pour un renouveau culturel et spirituel de l'Italie et du continent européen, ajoute le pape, il faudra travailler afin que la laïcité ne soit pas interprétée comme hostile à la religion, mais, au contraire, comme un engagement à garantir à tous, aux individus et aux groupes, dans le respect des exigences du bien commun, la possibilité de vivre et de manifester ses convictions religieuses ». La laïcité ainsi présentée ne se limite pas comme on peut le voir à la liberté de conscience individuelle ni à la pratique du culte par les croyants. Il s'agit d'autre chose de plus. De ce que l'encyclique « Véhémenter Nos » contre la loi de 1905 proclamait avec force à propos de Dieu: « [...] Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l'honorer. » Ici, pour Benoît XVI, il ne s'agit pas seulement de « vivre » sa foi mais encore de la « manifester » « y compris dans le domaine public ». Nicolas Sarkozy s'était déjà hasardé à la frontière de la négation de la frontière entre la sphère publique et la conviction privée quand il avait demandé, faussement ingénu, en pleine campagne électorale présidentielle, dans le journal « La Croix » :« Vous ne pouvez pas cantonner l'aspect religieux au seul aspect cultuel. [...] Et qu'est-ce que la sphère privée ? Quand Jacques Chirac va à la messe à Brégançon, le fait-il à titre privé ou public ? »
L'église catholique qui a bien compris l'impossibilité de reprendre ses arguments frontaux contre la loi de 1905 reprend sa campagne avec d'autres mots pour dire la même chose et viser les mêmes objectifs. La « laïcité positive » est cet avatar. Elle est entourée d'un appareil de précision et de définition où s'expose la grande habileté du procédé puisque pour finir c'est l'église catholique et les cléricaux qui s'approprient le concept de laïcité pour le redéfinir et l'opposer aux laïques eux-mêmes.



vendredi 8 février 2008

"Recodification" du Code du travail : une réécriture qui ne s'est pas faite à "droit constant"





Sous couvert de "simplification", la réécriture du Code du travail devait se faire à "droit constant".



Le 7 mars 2007, le conseil des ministres promulgue l'ordonnance n°2007-329, qui paraît au journal officiel du 12 mars 2007, permettant : "une nouvelle codification de la partie législative du Code du travail à droit constant".

Une décision qui tombe en pleine campagne électorale (Présidentielles 2007), mais qui se fait pourtant dans l'indifférence médiatique générale alors que nous sommes plusieurs millions de salariés concernés. A ma connaissance, le seul journal à en avoir parlé à ce moment là est Le Plan B dans son article : Le Code du travail a déjà perdu l'élection.


Aux alentours de la mi-novembre 2007, Richard Abauzit, ancien inspecteur du travail, publie une analyse du nouveau Code du travail. Elle est accablante.

L'info est reprise sur le site d'Etienne Chouard, et sur plusieurs blogs, comme Le Monolecte d'Agnès Maillard.

Richard Abauzit est rejoint par Gérard Filoche, un autre inspecteur du travail. Tous deux publient une série de 3 articles :




Le constat est à la fois accablant et alarmant :
  • la réécriture ne s'est pas faite à droit constant.
  • le code du travail a considérablement perdu en lisibilité : on passe de 271 subdivisions à 1890, et de 1891 articles à 3652.
  • 500 lois ont été déclassés en décrets, modifiables par le gouvernement sans passer par le parlement, assurant ainsi la rapidité, l'opacité et donc l'efficacité de toutes les régressions.
  • la dépénalisation des infractions patronales au droit du travail s'y fait notamment par la suppression presque systématique des peines de récidive.
  • la mise en oeuvre de la directive Bolkestein relative aux "travailleurs indépendants".
  • la renumérotation à 4 chiffres de tous les articles, qui fait s'écrouler toutes les jurisprudences.
  • etc...



Comme l'a reconnu Ch. Radé, l'un des cinq rédacteurs de ce nouveau Code : "Il faudra des mois voire des années pour que ce nouveau code révèle tous ses secrets".



Fin novembre, Attac92 met en ligne une interview de Gérard Filoche, ainsi qu'une conférence en 8 chapitres :



Pourtant, la plupart des médias (télés, journaux, radios) restent muets, à quelques très rares exceptions près, comme un article de Gérard Filoche dans les Rebonds de Libération.



Le dénouement :

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est adopté en 2e lecture par le Sénat le 19 décembre 2007.

Plus de 60 députés saisissent le Conseil Constitutionnel le 21 décembre. Mais le Conseil Constitutionnel déclare cette loi conforme le 17 janvier 2008.

Nicolas Sarkozy la promulgue 21 janvier, et cette loi est publiée au Journal Officiel du 22 janvier 2008.



Le Code du travail tel que nous le connaissions est mort et enterré.


mercredi 6 février 2008

Modification de la Constitution : ça, c'est fait !



Comme prévu, la Constitution a été modifiée lundi 04 février lors du Congrès de Versailles.

Le "mini-consensus" politico-médiatique allant de l'UM"P" au P"S" en passant par le Mo"Dem" peut se réjouir (de manière plus ou moins ostentatoire) d'avoir désavoué le peuple en permettant la ratification par la voie parlementaire du Traité de Lisbonne, dont le contenu est similaire à celui qui a été rejeté lors du référendum de 2005. La liste des députés et sénateurs qui se sont prêtés à ce petit jeu est disponible sur le site de l'Assemblée Nationale.

N'oublions pas de mentionner également les médias dominants, qui se sont très largement abstenus de sensibiliser l'opinion sur ce sujet. Mais il faut les comprendre : ils étaient bien trop occupés à meubler le temps de cerveau disponible de leurs lecteurs avec des kilomètres d'articles débilisants dont on serait bien incapable de dire s'ils sont issus de journaux sérieux ou de la presse à scandale. Et je ne parle même pas de la télé.


Lorsque Info-Sarkozy (France 2) reçoit Nicolas Dupont-Aignan, ce n'est évidemment pas au JT de 20h mi-janvier, lorsqu'il devient clair que le Parti "Socialiste" a décidé de prendre ses électeurs pour des crétins, et qu'il devient alors urgent d'alerter l'opinion pour expliquer ce qui se trame.
Non. France 2 reçoit Nicolas Dupont-Aignan le 05 février (le lendemain du vote) lors de Télé-Matin.



La France qui se lève tôt était-elle devant sa télé hier matin entre 7h50 et 8h00 pour voir la mise au point de NDA ?
Moi en tous cas à cette heure là j'étais encore au lit.

Mais ça n'a aucune importance : Dailymotion est là.

Et hop :


Avec en cadeaux-super-bonus rien que pour vous : d'authentiques morceaux de propagande extraits des journaux télévisés de Info-Sarkozy et et Info-Bouygues, parce que nous le valons bien.
C'est quoi donc qu'ils disaient Goebbels et Hitler déjà ?


dimanche 3 février 2008

Manufacturing Consent : suite et fin


Voilà qui vient conclure cette série d'extraits commencée il y a plus de 7 mois à propos du documentaire Manufacturing Consent (La Fabrication du Consentement).

Cet extrait là fait en quelque sorte écho au premier de la série.




Vous pouvez retrouver les 10 extraits que j'ai sélectionnés rien que pour vos beaux yeux. A voir et à revoir.

C'est probablement le documentaire le plus intéressant que j'ai vu, tous sujets confondus. Je vous invite à le visionner dans son intégralité (il dure tout de même 2h40), pour vous faire une meilleure idée de l'ensemble.

vendredi 1 février 2008

11 septembre : le premier parti d'opposition japonais conteste la version officielle



Question :
Que se passe-t-il dans nos grands médias (télés, radios, journaux) lorsqu'un député du Parti Démocrate du Japon (principal parti d'opposition de la deuxième puissance économique du monde) conteste la version officielle du 11 septembre (photos à l'appui) lors d'une séance parlementaire d'une demi-heure de questions au gouvernement, retransmise en direct à la télé japonaise ?

Réponse :
RIEN. Il ne se passe strictement rien. Trois semaines plus tard, c'est toujours le BLACK-OUT total !! Vous entendez ce silence ?


Hé ohhh ?? Ami journaliste ??? Allo cerveau, y'a quelqu'un ?? AlloOoooO ??? Ca y'en a "tsunami politique", il faut réagir !! AllooOoOooo ???

Non. Décidément, non. Électroencéphalogramme plat : nos médias sont en état de mort cérébrale. Il semble qu'il n'y ait décidément rien à en tirer tant qu'on n'aura pas obtenu une réforme qui garantisse l'indépendance des rédactions.



Vous pouvez visionner cette séance de questions d'une demi-heure (sous-titrée en français) du 11 janvier dernier, au cours de laquelle le député Yukihisa Fujita attaque de front la version avancée par l'administration Bush, en rappelant un certain nombre d'informations occultées par les médias.

Il le fait de manière implacable avec calme et détermination, et surtout avec un sens de l'honneur tout à fait remarquable. La classe ce Monsieur Fujita, la grande grande classe !








C'est un débat qui devrait être lancé dans toutes les démocraties. Un débat qui aurait du être lancé il y a belle lurette. Il pourrait déboucher sur l'ouverture d'une vraie enquête internationale qui aurait la charge de faire toute la lumière sur cette affaire, afin d'identifier les commanditaires et les complices, quels qu'ils soient et à tous les niveaux.

Doit-on conclure qu'en France nous n'avons aucun député de la trempe d'un Yukihisa Fujita ?



A lire également : l'article d'onegus sur Agoravox :

Malgré le mutisme obstiné et criminel de l'ensemble des organes de presse et de la quasi-totalité de la communauté journalistique, la remise en question de la version "officielle" des attaques du 11-Septembre 2001 continue de progresser inéluctablement dans les populations occidentales.

La quantité astronomique d'incohérences factuelles et d'impossibilités scientifiques entourant le mythe du complot islamiste entretenu par les autorités américaines apparaît d'emblée à toute personne qui se repenche sur le détail de cet événement historique et hors du commun.


[...]

Lire l'article complet




Pour aller plus loin : lire les précédents billets publiés sur ce blog, et bien sûr http://www.reopen911.info