samedi 24 novembre 2007

Travailler plus... Rendez-vous dans 27'000 ans !



Dans un billet précédent, je donnais un extrait du livre La tiers mondialisation de Smaïl Goumeziane :

Le revenu moyen d'un patron est passé de 42 fois le salaire moyen de son ouvrier en 1980 à 419 fois en 1998, soit un écart multiplié par 10.



Un petit tour sur l'Observatoire des inégalités m'a inspiré un nouveau billet.


L'ex-PDG de Renault, Louis Schweitzer, a reçu un salaire annuel de 11,9 millions d'euros. Soit l'équivalent de 987 années de SMIC. Diantre, presque 1 millénaire de SMIC en un an !

Mais le salaire annuel "c'est l'arbre qui cache le forêt", comme dirait George Eddy (grand philosophe contemporain). Les dividendes versés sont encore plus édifiants : Bernard Arnault (LVMH) a reçu 326 millions d'euros en 2007 au titre de l'année 2006, soit l'équivalent de plus 27'000 ans de SMIC net.



"Travailler plus pour gagner plus" ? Quelle bonne blague !!! On en rira encore dans quelques millénaires.

Source : voir l'article sur le site de l'Observatoire des inégalités.



A titre de comparaison, il semblerait que le bénéfice attendu de la dernière réforme
des régimes spéciaux soit de 200 millions d'euros par an (voir article Marianne). Les dividendes versés à Bernard Arnault cette année concentrent donc une fois et demi cette somme dans les mains d'un seul homme. Ca n'a rien à voir, c'est juste pour discuter.



Le Plan B met en libre accès le téléchargement de sa carte des médias en France (qui possède quoi). Il s'agit de la carte de juin 2006, qui n'est donc plus tout à fait à jour. La carte 2007, disponible dans la version papier du numéro 7, n'est pas encore disponible en ligne (je leur ai envoyé un mail d'insultes, mais il n'ont pas répondu. Patience donc !).

Il est intéressant de constater que les principaux bénéficiaires du système sont soit à la tête des médias, soit à la tête des groupes qui sponsorisent très largement ces mêmes médias à travers la publicité.


Comme le dit le Canard Enchainé dans son dossier de 82 pages, "Les nouveaux censeurs" :

page 6 :

Mais l'autocensure comme les autres avatars de la censure ne sont évidemment pas son seul fait. La censure d'aujourd'hui, au-delà de ces petits arrangements entre amis politiques, est avant tout économique. Les médias en général et la presse en particulier vivent de la publicité, qui a pris plus d'importance que leurs ventes dans leurs financements. Les annonceurs, le sachant, ne se privent donc pas de considérer que, puisqu'ils paient cher des pages de publicité, ils attendent en contrepartie de ne pas être maltraités dans les pages d'information.
C'est ainsi que la presse féminine veille à ne pas froisser les grands groupes cosmétiques qui la font vivre. C'est ainsi que la presse régionale est aux petits soins pour la grande dsiribution. C'est ainsi que la presse généraliste, les radios et les télévisions veillent, sous peine de perdre de gros budgets, à ne pas contrarier ceux qui les nourrissent.


page 14 :

""La liberté de la presse commence et s'arrête au tiroir caisse."" Telle était l'une des maximes favorites de Robert Hersant, qui commença sa carrière sous le maréchal Pétain, et un passage par les prisons de la IVème République, pour l'achever sous Jacques Chirac, président, dans la peau d'un député RPR possédant le groupe "Le Figaro" et un bon quart de la presse régionale.
Le pragmatique Robert Hersant ne s'est jamais payé de mots : les grands débats sur l'honneur ou sur la nécessaire honnêteté de la presse, les belles envolées sur la liberté des journalistes, il les abandonnait à ses éditorialistes pour s'occuper de l'essentiel : les finances et la publicité. Car derrière le cynisme de sa formule se cache une vérité, rarement avouée dans la presse française : le degré d'indépendance d'un journal - en clair sa capacité à résister à la censure de ses annonceurs et son pouvoir de s'opposer aux pression des politiques - dépend de sa santé économique. Et de ce point de vue, certes bassement matériel mais essentiel, la situation de la presse hexagonale est catastrophique.



Qui peut raisonnablement espérer compter sur info-Sarkozy, ou sur info-Bolloré, info-Arnault, info-Lagardère, info-Pinault, info-Wendel, etc... pour s'interroger sérieusement sur le bien-fondé de ces salaires pharaoniques ?




dimanche 18 novembre 2007

J'ai retrouvé la 7ème Compagnie


La ligne 1 du métro parisien dessert le quartier de La Défense (l'un des principaux quartiers d'affaires d'Europe). En cette période de grève des transports, c'est l'une des seules lignes à fonctionner à peu près normalement.

Pour faire face à la forte affluence, des agents de la RATP faisaient la circulation dans les couloirs du métro, pour réguler le flot de gnous (dont je faisais partie) et éviter de submerger les quais. Des quais sous haute surveillance, puisqu'une 20aine de CRS étaient postés de chaque coté de la voie. Mais ce qui m'a le plus étonné, c'est la présence de militaires armés de leurs fusils semi-automatiques, aux cotés des agents de la RATP qui régulaient l'accès aux quais.

Je peux donc vous l'annoncer fièrement : vendredi, dans la station de métro Gare de Lyon, j'ai retrouvé la 7ème Compagnie. Qui sait depuis combien de temps ils étaient planqués là...

Puisque je suis entrain de parler de grèves et de militaires, j'en profite pour faire un petit détour par un article du Canard Enchaîné du 10 octobre dernier, qui revient sur "le régime très spécial des retraites militaires" :




Mais revenons plutôt à notre 7ème Compagnie du métro. L'un des soldats en particulier était grand, il était beau, il sentait bon le sable chaud... Je ne sais pas si c'est parce que je suis passé à quelques centimètres du canon de sa mitraillette, mais j'ai trouvé cette situation assez incongrue. Dans la plupart des pays, il est nécessaire de décréter la loi martiale ou l'état d'urgence pour affecter des personnels militaires à des tâches de maintient de l'ordre sur des populations civiles.
En France, nous avons un dispositif de sécurité qui permet en pratique de contourner ce principe : le Plan Vigipirate. D'ailleurs pour ceux qui n'ont pas peur de se perdre dans l'opacité du statut juridique du plan Vigipirate, je vous renvoie vers le blog de Frédéric Rolin, Professeur de droit public à l'Université de Paris X Nanterre.


Il était grand, il était costaud, il avait une tête énorme et un regard de tueur (mon avis est totalement subjectif, j'en conviens), et sa mitraillette aussi sentait bon le sable chaud. D'ailleurs, à quoi aurait-elle bien pu lui servir ? Je me suis posé cette question pendant le reste de mon trajet : mon militaire, comment aurait-il réagit en d'autres temps, d'autres lieux, ou tout simplement en d'autres circonstances, s'il avait reçu l'ordre de se servir de son arme pour tirer dans le tas ? L'aurait-il fait ? Après avoir alterné les "oui", les "non", les "peut-être bien", j'ai finalement conclu par un "et pourquoi pas ?". Après tout il n'aurait rien fait de plus que son boulot, le gars.




mardi 13 novembre 2007

Les géométries variables de « l’équité »



La hausse de salaire de Nicolas Sarkozy avait quelque chose de savoureux dans le sens où les fameux 140% d'augmentation faisaient écho à d'autres, que je mentionnais dans un billet précédent :

En conséquence, aux Etats-Unis, entre 1979 et 1997, le PIB réel a augmenté de 38%, mais le revenu des familles moyennes ne s'est accru que de 8% quand le revenu des 1% de familles les plus fortunées a fait un bond de 140%, soit plus de 3,5 fois plus vite que le PIB !




Mais Le Monde ou Libération nous apprennent que pour le salaire de Sarkozy, il s'agit finalement d'une hausse de 172% et non 140%. C'est décevant parce que du coup ça ne marche plus...



Allez trêve de bla-bla... Maintenant que j'ai fait ma B.A. en citant Le Monde et Libération, passons à des choses un peu plus intéressantes.



En cette période de grève reconductible des transports qui débute, je vous propose un article de Frédéric Lordon, économiste et chercheur au CNRS. Article publié dans l'Humanité le 06 novembre dernier, repris sur ContreInfo le 10 novembre.


=====

L’ahurissante augmentation du salaire présidentiel a été légitimement rapprochée du dramatique problème de pouvoir d’achat en France. Il est vrai qu’à l’image de l’inénarrable député Lellouche, qui s’indigne que « le président soit payé comme un petit cadre moyen » - 8'000 euros mensuels, les « petits cadres moyens » se sont évidemment reconnus... -, cette affaire a tout pour révéler l’effrayante distorsion des normes induites par la coupure du personnel politique, et donne un équivalent dans son genre de la confusion « du pain et de la brioche » qui faisait jadis les situations prérévolutionnaires. Il n’est pourtant pas certain que la question générale du pouvoir d’achat soit la seule mise en rapport possible, ni même la plus scandaleuse.

Car les principes justificateurs allégués par les auteurs mêmes de cette grande avancée sociale n’ont pas hésité à faire référence à l’« équité », suggérant par là de penser davantage à la réforme des régimes spéciaux, aussi étonnant que ce rapprochement puisse d’abord sembler. À en croire ses partisans les plus inquiets, le président Sarkozy se trouvait en effet dangereusement lésé d’une inégalité de revenu en comparaison de son « collaborateur » François Fillon. Qui pouvait douter que les gouvernements de droite soient plus attachés à la réduction de certaines inégalités que de certaines autres ?

Le point intéressant est cependant ailleurs, et réside plutôt dans la parfaite symétrie, mais évidemment à fronts renversés, des diverses façons de réaliser l’« équité ».

Le salaire de M. Sarkozy est inférieur à celui de MM. Fillon, Bush et Brown, par conséquent il doit être augmenté. L’âge de la retraite des cheminots est plus bas que celui des salariés du privé, par conséquent il doit être retardé. L’identité formelle des deux cas est remarquable : il existe un écart, cet écart est qualifié d’anomalie, il est donc déclaré légitime de la réduire. Les différences réapparaissent quand on considère la pluralité des réductions possibles : car si A diffère de B alors qu’il devrait lui être égal, on peut aligner A sur B, B sur A, ou les deux en un point intermédiaire. Fin de l’arithmétique et début de la politique.

Ainsi l’équité est-elle ce concept aux usages très politiques puisque, merveilleusement polyvalent, il s’offre à justifier tous les ajustements par le haut pour certains, et tous les ajustements par le bas pour les autres.

Il y a donc, au sens le plus stratégique du terme, quelque chose qu’on peut bien appeler une « politique de l’équité », politique de l’ajustement différencié, dont on peut dire qu’elle opère en pratique comme un art du précédent. Car tout est dans la brèche inaugurale, celle qui va créer la différence initiale, mettant en mouvement ensuite le discours automatique de la « réduction ». L’art de « l’équité par le bas » consiste à trouver un point faible. Par exemple, les salariés du privé.

Plus vulnérables, moins syndiqués, ils sont tout désignés pour recevoir en premier le choc des régressions. Une fois le coin enfoncé, il n’y a plus qu’à attendre. Car on peut compter sur le matraquage idéologique par médias interposés pour rendre obsédante l’idée de « l’écart » et, une fois les esprits « attendris » - comme on dit de la viande trop dure -, imposer comme seule solution possible l’égalisation dans la déveine. L’art de « l’équité par le haut » recherche, lui, une référence brillante, un hors norme auquel s’accrocher - pour reconstruire la norme, en plus avantageux.

Par exemple, un président étranger, un premier ministre qu’une législature antérieure a réussi à propulser en douce, ou pour une autre catégorie, très préoccupée elle aussi de cette forme-là « d’égalité », les « patrons américains ». Les patrons américains font peu ou prou le même travail que les patrons français. Mais force est de constater qu’ils sont beaucoup plus riches. L’injustice est manifeste, le rattrapage s’impose...

C’est peut-être parce que le rattrapage ne s’impose que pour ces « injustices »-là, parce que l’« équité » est devenue ce critère à géométrie si honteusement variable qu’il y a un enjeu politique décisif dans les mouvements de résistance à la réforme des régimes spéciaux, condamnés, eux, à la mauvaise équité et à la propagande du ressentiment, celle qui persuade les salariés attaqués en premier que le progrès social n’existera plus pour eux et ne leur laisse plus que l’espoir triste de voir tous les autres « ajustés » à leur tour.

De toutes les escroqueries intellectuelles du libéralisme économique, la plus accomplie est probablement celle qui aura consisté en la captation réussie du thème de l’égalité pour en faire le motif de l’arasement général des conquêtes qui, à défaut de faire la vie « bonne » aux salariés, la leur faisaient moins mauvaise. Et l’on peut compter sur cette lecture libérale particulièrement vicieuse de l’égalité pour démanteler le CDI sous prétexte qu’il en est de plus en plus qui sont au CDD, pour supprimer complètement le repos dominical puisque certains travaillent déjà le dimanche, ou, pourquoi pas, pour déplafonner sans restriction le temps de travail au motif que l’on compte déjà beaucoup de surmenés.

À l’image du discours d’inversion qui fait passer l’opposition à la régression pour du conservatisme, et les « pas encore ajustés » pour des « nantis », la réforme des retraites ne cesse de revendiquer la « justice » et n’est pas loin de se donner pour « sociale »... Il est peut-être temps de remettre à l’endroit ce parfait sens dessus dessous. C’est pourquoi la lutte contre la réforme des régimes spéciaux offre une occasion de ne surtout pas manquer de récupérer « l’égalité » et d’en réaffirmer le sens originel, qui n’a jamais été celui de la convergence pour le pire.

=====




dimanche 11 novembre 2007

Keith Olbermann à propos du Military Commissions Act : "Le début de la fin des Etats-Unis"

Il y a un peu plus d'un an, le 17 octobre 2006, Geroge W. Bush a ratifié le Military Commissions Act.
Keith Olbermann présente l'émission Countdown sur MSNBC. Le 18 octobre 2006, il fait un "commentaire spécial" sur cet ensemble de lois qui sont entrées en vigueur la veille, qu'il qualifie de "Begining of the end of America" ("début de la fin des Etats-Unis").

Voir : La transcription en VO









Transcription FR :


=============


Nous avons vécu comme si nous étions en transe. Nous avons vécu comme des gens effrayés. Et désormais, alors que nos droits et nos libertés sont en péril, nous prenons lentement conscience que nous avons eu peur de la mauvaise chose.

Par conséquent, aujourd'hui, nous sommes réellement les héritiers de notre tradition américaine. Car, en cette première journée d'entrée en vigueur du "Military Commissions Acts", nous sommes confrontés à ce à quoi nos prédécesseurs ont du faire face à d'autres moments de crises et de peur mélodramatique.

Un gouvernement plus dangereux pour notre liberté que l'ennemi contre lequel il prétend nous protéger.

Nous avons déjà connu cela par le passé. Nous l'avons déjà connu, menés par des hommes plus sages, plus nobles et meilleurs que George W. Bush.

Nous avons déjà connu cela lorsque le Président John Adams a affirmé que les lois "Alien and Sedition Acts" étaient nécessaires pour sauver des vies américaines. Pour finalement le voir utiliser ces lois pour emprisonner des rédacteurs de journaux.


Des rédacteurs américains, dans des prisons américaines, pour des articles qu'ils ont écrits au sujet des Etats-Unis.


Nous avons déjà connu cela lorsque le Président Woodrow Wilson a affirmé que les lois "Espionage Act" étaient nécessaires pour sauver des vies américaines. Pour finalement le voir utiliser ces lois pour poursuivre 2'000 Américains, en particuliers ceux qu'il décrit comme des "Hyphenated Americans", dont la plupart étaient seulement coupables de préconiser la paix en temps de guerre.


Des orateurs américains, dans des prisons américaines, pour des choses qu'ils ont dites au sujet des Etats-Unis.


Nous avons déjà connu cela lorsque le Président Franklin D. Roosevelt a affirmé que le décret 9066 était nécessaire pour sauver des vies américaines. Pour finalement le voir emprisonner et paupériser 110'000 Américains, tandis que son homme de main, le General Dewitt déclarait devant le Congrès : "Le fait qu'ils soient citoyens Américains ne fait aucune différence, ils sont toujours Japonais".


Des citoyens américains, dans des camps américains, non pas pour leurs écrits, ni pour leurs propos, ni pour leurs actions, mais seulement parce qu'eux ou leurs ancêtres avaient fait le choix de venir aux Etats-Unis.


Chacune de ces actions ont été entreprises pour les plus vitales, les plus urgentes, les plus incontournables des raisons. Et chacune est une trahison de ce pour quoi le Président prétendait les utiliser.

Adams et son parti ont été balayés et le "Alien and Sedition Acts" a été révoqué. Beaucoup de gens que Wilson a fait taire lui ont survécu, et l'un d'eux a même tenté de lui succéder et a obtenu 900'000 voix alors que sa campagne électorale avait été menée entièrement depuis sa cellule de détention. L'internement des Japonais imposé par Roosevelt n'est pas le pire acte de son bilan, mais 40 ans plus tard il a nécessité des excuses formelles de la part du gouvernement des Etats-Unis envers les citoyens des Etats-Unis dont les vies ont été ruinées.


Les plus vitales, les plus urgentes, les plus inévitables des raisons.


Dans les moments de peur, nous ne sommes que des hommes. Nous nous sommes laissés dépasser par la "peur de la peur" de Roosevelt. Nous avons écouté la petite voix intérieure qui nous disait : "le loup est à la porte, ce sera temporaire, ça passera".
Nous avons accepté l'idée que le seul moyen d'arrêter les terroristes est de laisser le gouvernement se comporter un peu comme les terroristes.
De la même manière que nous avions accepté que le seul moyen d'arrêter les Soviétiques était de laisser le gouvernement se comporter un peu comme les Soviétiques.
Ou comme les Japonais.
Ou les Allemands.
Ou les Socialistes.
Ou les Anarchistes.
Ou les Immigrants.
Ou les Britanniques.
Ou les étrangers.


Les plus vitales, les plus urgentes, les plus inévitables des raisons.
Et à chaque fois, à chaque fois, à tort.


Avec la distance historique, les questions se résumeront à cela : "Est ce que cette génération d'Américains prend la menace au sérieux, et faisons-nous ce qui est nécessaire pour en venir à bout ?".

De sages paroles. Et des propos plus ironiques : les vôtres bien sûr Mr Bush.
Hier, en signant le "Military Commissions Act", vous en avez dit bien plus que vous ne le pensez, Mr le Président.
Malheureusement, bien sûr, la distance historique nous fera prendre conscience que la menace que cette génération d'Américains devait prendre au sérieux, c'était vous.

Nous avons une longue et douloureuse histoire du fait de l'oubli de la prophétie attribuée à Benjamin Franklin : "ceux qui sont prêts à renoncer à un peu de liberté en échange d'un peu de sécurité ne méritent ni l'une ni l'autre".
Mais même dans cette histoire douloureuse, nous n'étions jamais allés aussi loin dans l'empoisonnement du Habeas Corpus, ce principe de protection essentiel dont toutes nos libertés découlent.

Vous, Monsieur, avez souillé ce principe.
Vous, Monsieur, nous avez donné le chaos et l'avez appelé l'ordre.
Vous, Monsieur, nous avez imposé la domination et l'avez appelé la liberté.

Pour les plus vitales, les plus urgentes, et les plus inévitables des raisons.
Et là encore, Mr Bush, chacune d'entre elles à tort.

Nous avons remis un chèque en blanc contre notre propre liberté à un homme qui a affirmé qu'il est inacceptable de comparer quoi que ce soit que ce pays n'ait jamais fait avec ce que les terroristes ont fait.
Nous avons remis un chèque en blanc contre notre propre liberté à un homme qui a de nouveau affirmé que "les Etats-Unis ne pratiquent pas la torture. C'est contraire à nos valeurs", tandis que les images de la prison d'Abu Ghraib et les affaires de Waterboarding étaient rendues publiques.
Nous avons remis un chèque en blanc contre notre propre liberté à un homme qui peut désormais, s'il le souhaite, déclarer non seulement des étranger comme "combattant ennemis illégaux" pour les expédier quelque part, n'importe où ; mais peut désormais, s'il le souhaite, vous déclarer vous comme "combattant ennemi illégal", et vous expédier quelque part, n'importe où.

Et si vous pensez qu'il s'agit juste inquiétude déplacée, demandez aux rédacteurs de journaux sous John Adams, ou aux pacifistes sous Woodrow Wilson, ou aux résidents d'origine japonaise sous Franklin Roosevelt.

Et si vous croyez que le Habeas Corpus n'a pas été supprimé pour les américains mais seulement pour tous les autres, posez-vous cette question : si vous êtes embarqués demain et qu'on vous accuse d'être un étranger ou un immigré sans papiers ou un "combattant ennemi illégal", comment allez-vous les convaincre de vous offrir une audience au tribunal pour leur prouver qu'ils se trompent ? Est ce que vous pensez que le procureur général va vous aider ?


Ce Président a désormais son chèque en blanc.

Il a menti pour l'obtenir.

Il a menti en le recevant.

Y a-t-il une raison de croire qu'il n'a pas menti sur la manière dont il a l'intention de l'utiliser, et sur ceux sur qui il prévoit de l'utiliser ?


"Ces commissions militaires fourniront un procès équitable", nous avez-vous dit hier Mr Bush, "dans lesquels les accusés sont présumés innocents, et ont accès à un avocat et pourront avoir connaissance des preuves qui les accusent".


"Présumés innocents", Mr Bush ?

Le bout de papier que vous avez signé hier indique les détenus peuvent être maltraités jusqu'à la limite de ce qui pourrait leur causer un "grave traumatisme mental et physique", dans le but de leur faire avouer leurs crimes, et ils ne peuvent même plus invoquer les Conventions de Genève pour leur défense.


"Avoir Accès à un avocat", Mr Bush ?

Le Lieutenant Commandant Charles Swift a dit dans cette émission et à la Cour suprême, qu'on lui a autorisé l'accès à son client détenu qu'à la condition que ce dernier plaide coupable.


"Avoir connaissance de toutes les preuves", Mr Bush ?

Le Military Commissions Act permet expressément l'introduction de preuves classifiées qui ne sont pas portées à la connaissance de la défense.


Vos propos sont des mensonges, Monsieur !

Ce sont des mensonges qui nous mettent tous en danger.


"L'un des terroristes qui auraient planifié les attentats du 11 septembre", nous avez-vous dit hier, "a déclaré qu'il espérait que ces attentats seraient le début de la fin de l'Amérique".

Ce terroriste, Monsieur, n'aurait pas pu espérer mieux. Ni ses actes, ni ceux d'une file interminable de terroristes réels ou imaginaires n'auraient pu rivaliser ce que vous avez fait.

Le Habeas Corpus ? Envolé.

Les Conventions de Genève ? Facultatives.

La force morale qui rayonnait vers l'extérieur du monde comme un phare, et à l'intérieur comme une protection éternelle ? Etouffée.


Ce que vous avez fait, Mr Bush, constitue "le début de la fin de l'Amérique".


Et avez-vous songé une seule fois, Monsieur, au cours de votre discours d'hier et des huit invocations que vous y avez fait des attentats du 11 septembre, qu'avec juste un tout petit peu plus de désaveu de ce pourquoi nos patriotes sont morts, avez vous songé un instant que dans seulement 27 mois et deux jours à partir de maintenant, lorsque vous quitterez votre poste, un quelconque futur Président irresponsable et un "tribunal compétent" composé de ses laquais seraient en droit, du fait de vos actions, de déclarer "combattant ennemi illégal" et de convoquer une Commission militaire pour juger non pas John Walker Lindh, mais George Walker Bush ?

Pour les plus vitales, les plus urgentes, et les plus inévitables des raisons.

Et là encore, sans aucun doute Monsieur, comme toujours, à tort.

=============



Autres liens à propos du Military Commissions Act :



samedi 3 novembre 2007

Grenelle du souk : j'ai décidé de suspendre la culture des OGM... et du reste aussi !



En vertu du respect du "principe de précaution", Nicolas Sarkozy a décidé de suspendre la culture commerciale des OGM pesticides en attendant les conclusions d'une nouvelle instance qui devra être créée avant la fin de l'année. Annonce qu'il a effectuée "sous vos applaudissements" (comme l'aurait dit Jacques Martin).


C'est bien.


Mais je peux faire mieux.



Et je vais faire mieux, pas plus tard que tout de suite. Je vous l'annonce solennellement chers lecteurs, j'ai décidé de suspendre la culture commerciale du soja, du coton, du colza et du maïs, qu'ils soient OGM ou non, et ce en attendant les conclusions d'une nouvelle instance qui devra être créée avant la fin de l'année.

On ne plantera plus rien tant que la nouvelle instance d'experts n'aura pas rendu ses conclusions. Et je serai totalement inflexible sur cette question.




Comment puis-je faire une telle annonce ? Ce n'est pas très compliqué :

Les 4 plantes OGM principales sont le soja, le coton, le colza et le maïs (source).

  • Pour le coton, c'est le plus simple, en France nous n'en avons pas (source).
  • Pour le colza, la période de semis vient juste de s'achever : 20 août au 10-15 octobre (source).
  • Pour le soja, la période optimale de semis est autour de mi-mai (source).
  • Et en ce qui concerne le maïs, la période de semis se situe entre fin avril et la première quinzaine de mai (source).

Donc je vous l'annonce, je suspends tout jusqu'aux conclusions du groupe de travail qui sera créé prochainement et qui, n'en doutons pas, rendra son rapport avant le mois d'avril.





jeudi 1 novembre 2007

5 rue Godefroy Cavaignac : j'ai honte

La situation que je vais décrire se déroule en ce moment, en plein Paris, à peine à 1.5 km de chez moi.


Le 18 octobre 2007, une poussette prend bizarrement feu dans la cage d'escalier du bâtiment A de l'immeuble situé au 5 rue Godefroy Cavaignac. Dès lors, 20 familles se retrouvent sans logement. Ces 60 personnes ont des papiers, travaillent pour la plupart et les enfants sont scolarisés dans le quartier.

A cause de l'incendie, l'immeuble est évacué, mais on leur dit qu'ils pourront réintégrer leur logement le lendemain.

Mais la préfecture déclare l'immeuble insalubre et des scellés sont posés. La société propriétaire fait installer des portes blindées et place cinq maîtres chiens à l'entrée de l'immeuble. Personne ne peut plus regagner son appartement, ni avoir accès à ses affaires personnelles.

Depuis, certaines femmes et enfants ont été relogés à l'hôtel, mais d'autres ont refusé et campent devant l'immeuble. Car l'hôtel n'est pas une solution : au-delà des huit premiers jours pris en charge par la mairie, l’hôtel devient un luxe. Il n’est quasiment pas possible pour les sinistrés de prendre en charge ce budget estimé entre 1300 et 1600€ par mois. La plupart des locataires gagnent environ 1200€ par mois. D’autant plus que l’expérience démontre que les personnes logées à cette enseigne censée être provisoire peuvent parfois rester plusieurs années dans ces conditions.





Comme ça se situe à deux pas de chez moi, j'ai pris quelques minutes pour aller voir. Et j'ai vu. J'ai vu les agents avec leurs gros blousons "Sécurité" qui bloquent l'entrée de l'immeuble. J'ai vu ces tentes alignées sur le trottoir. Je suis allé discuter avec les femmes qu'on voit dans cette vidéo, pour prendre des nouvelles et leur dire quelques mots, quelques banalités de soutient. J'ai été surpris par leur détermination à vouloir garder l'espoir. Et par leurs sourirs. Remplis d'amerturme certes, mais des sourirs quand même.

J'espère que cette histoire fera suffisamment de bruit et soulèvera suffisamment d'indignation pour obtenir un règlement rapide de cette situation honteuse.



Liens :