L'impopularité ne change strictement rien
En mai dernier, au lendemain de l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, j'ai entendu une information à la radio : pour la n-ième fois, le présentateur annonçait une baisse de la popularité de G. W. Bush dans les sondages aux Etats-Unis.
Cette information m'a inspiré deux réflexions.
1) La première, c'est que tôt ou tard, cette situation se produirait également chez nous. Nicolas Sarkozy ayant été élu sur la base de promesses contradictoires et incompatibles (ce que montre très bien le sociologue Eric Fassin dans le film Réfutations), il était clair que le mythe de l'homme politique providentiel (rendu possible par l'extrême passivité des médias, très peu prompts à dénoncer ses mensonges, ses contradictions et son bilan en tant que Ministre de l'Intérieur) ne durerait pas. Il m'avait donc semblé clair que comme Bush aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy serait tôt ou tard un président très impopulaire. La seule inconnue était le temps qu'il faudrait pour qu'une bonne partie de ses électeurs se rendent compte qu'ils s'étaient laissés tromper.
2) Mais la deuxième réflexion, c'est que cette impopularité ne change strictement rien. Bush a beau être impopulaire, il a beau être qualifié de "pire président de l'histoire des Etats-Unis" (article Washington Post), cela ne fait aucune différence. Bush a "fait le boulot", et il continue à mener le travail de sape en profondeur qu'il a engagé. Pour s'en convaincre, il suffit de connaître l'attachement des citoyens américains à la question de leurs "libertés individuelles" (leur attachement à la Constitution des Etats-Unis, au IVe amendement, au Habeas Corpus, etc...), et de le comparer avec la situation telle qu'elle est aujourd'hui (le Patriot Act, le Military Commissions Act, le Violent Radicalization and Homegrown Terrorism Prevention Act, etc...) pour mesurer l'étendue du chemin parcouru, et l'ampleur des régressions, en seulement quelques années.
Il en va de même en France : même si Nicolas Sarkozy est au plus bas dans les sondages, cette impopularité ne l'empêchera pas de réaliser le méticuleux travail de sape dans lequel il s'est engagé. Car là aussi, c'est bien d'un travail de sape qu'il s'agit.
Un comportement indigne d'un Président de la République
Nicolas Sarkozy utilise sa vie privée de façon ostentatoire comme technique de diversion permanente.
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.
Son attitude et ses déclarations à l'emporte pièce qui consistent à dire un jour une chose et le lendemain son contraire (avec les cheminots, avec les pêcheurs, sur le pouvoir d'achat, etc...) font de nous la risée des médias du monde (voir ici ou là).
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.
La politique de chasse à l'homme avec des objectifs chiffrés d'expulsions, est une politique coûteuse, qui provoque toutes sortes d'aberrations : bébé de 15 mois enfermé dans un centre de rétention ; expulsions de touristes, à leur arrivée ou alors qu'ils s'apprêtaient à repartir ; expulsion d'un avocat de 70 ans, qui réside en France depuis 45 ans, marié à une Française depuis 15 ans, père d'un garçon de 22 ans, inscrit au barreau d'Aix-en-Provence depuis 28 ans ; expulsion d'un homme adopté par une famille française ; rétention d'une mère, son enfant de 11 ans restant seul, etc... Une politique du chiffre pour le chiffre qui crée des situations humainement inacceptables qui déshonorent notre pays.
Nicolas Sarkozy revendique un héritage Gaulliste mais veut imposer sans le moindre débat la réintégration complète de la France dans l'OTAN. Il se fait le soutient inconditionnel des néo-conservateurs américains, viole la Charte de Nations-Unies en proférant des menaces militaires à l'encontre d'un pays qui ne présente pas une menace directe pour notre sécurité. Ce manque de retenue a des conséquences graves pour l'image et la crédibilité de notre pays.
Un Président de la République qui piétine notre Constitution
Mais il y a encore plus grave. Nicolas Sarkozy s'en prend directement, frontalement, à ce constitue les fondements de notre République : sa Constitution.
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée". (Article 1er - Constitution de 1958).
Une Constitution qu'il est tenu de respecter et de défendre :
"Le Président de la République veille au respect de la Constitution" (Article 5 - Constitution de 1958).
Or Nicolas Sarkozy piétine délibérément notre constitution. Il s'attaque à plusieurs points de l'article 1er :
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."
Nicolas Sarkozy n'est pas laïque. Le concept de "laïcité positive" dont il revendique la paternité n'est pas de lui : ce sont les propos de Benoit XVI, prononcés le 11 octobre 2005. La position de Nicolas Sarkozy correspond exactement à la vision papale de la place de la religion dans la société. Nicolas Sarkozy va même jusqu'à affirmer sa volonté de réintroduire l'enseignement religieux à l'école publique.
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."
Le traité de Lisbonne, présenté comme "nouveau" ("mini", "modifié", "simplifié") et dont Nicolas Sarkozy revendique la paternité, n'est ni plus ni moins que le traité rejeté lors du référendum de 2005, rendu volontairement illisible (dixit Valéry Giscard d'Estaing). Nicolas Sarkozy a menti lorsqu'il a demandé aux représentants du peuple de désavouer le peuple. Ces mensonges à répétition ont pour effet d'affaiblir notre démocratie.
Et que dire de son dernier coup tordu pour tenter de contourner la décision du Conseil Constitutionnel ? (Voir également l'article de Sébastien Fontenelle : "Nicolas Sarkozy défie la démocratie").
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."
Le démantèlement systématique des progrès sociaux hérités du Programme du Conseil National de la Résistance constitue le coeur de sa politique économique et sociale. Nous avons déjà assisté à la réécriture du Code du Travail qui, contrairement à ce qui avait été annoncé, ne s'est pas faite à "droit constant". Et maintenant, il s'agit de liquider l'héritage du Programme du Conseil National de la Résistance ?
Cette attitude est incompatible avec celle d'un Président de la République.
Comme Georges W. Bush s'est appliqué à piétiner la Constitution américaine, Nicolas Sarkozy s'applique à piétiner notre Constitution française.
Four more years ?
"Four more years !" (4 ans de plus !). C'était le slogan des partisans de G. W. Bush lors des élections présidentielles de 2004 aux Etats-Unis.
Four more years !! Four more years !! Four more years !!
Four more years, c'est le temps qui nous sépare des prochaines élections présidentielles en France. En êtes-vous si sûrs ?
Sommes-nous condamnés à 4 ans de plus de magouilles, de mensonges, et d'attaques sans relâche contre les valeurs de notre République ?
Une fois de plus, les Etats-Unis fournissent un support de réflexion intéressant. Des initiatives populaires comme Impeach Bush, bien qu'elles soient à la fois timides et bien tardives, sont sources d'inspiration.
Sans un objectif clair, nous sommes condamnés à subir les effets de cette politique indigne de la France, et nous sommes condamnés à voir notre Constitution bafouée par celui qui a la responsabilité de la défendre. Les sondages défavorables n'auront aucun impact, ni sur le contenu de sa politique, ni sur sa manière de la mener. Si nous voulons défendre notre Constitution et les valeurs de notre République, nous devons faire en France ce que les citoyens Américains auraient du faire chez eux il y a bien longtemps. Nous devons exiger la destitution de Nicolas Sarkozy. Cette destitution peut s'obtenir de façon démocratique et pacifique.
Manquement à ses devoirs => Destitution
Dans une démocratie comme le Vénézuela, le Président de la République est soumis à un référendum révocatoire à mi-mandat. En France, nous n'avons pas un tel outil à notre disposition.
Mais dans notre démocratie, dont le principe est : "gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple", (Article 2 - Constitution de 1958), rien ne nous empêche d'exiger la tenue d'un référendum révocatoire dans les plus brefs délais.
Dans une démocratie, on obtient ce qu'on veut, à condition d'être suffisamment nombreux à l'exiger.
En piétinant notre Constitution qu'il est censé défendre, Nicolas Sarkozy se rend coupable d'un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec sa fonction de Président de la République. Or, comme l'indique l'article 68 de notre Constitution :
"Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour".
La procédure de destitution est détaillée dans cet article.
Il est à craindre que nos représentants, aveuglés par des luttes partisanes, n'aient pas spontanément le courage de défendre notre Constitution en s'élevant contre un Président de la République qui la menace. Mais nous pouvons les y contraindre. De façon démocratique et pacifique.
Sortir de la torpeur
Nous sommes sans doute nombreux à penser que nous en avons déjà assez vu, et que cette mascarade a assez duré. Il est temps d'y mettre un terme. De façon démocratique et pacifique.
Alors évidemment, ce ne sera pas simple, ça ne se fera pas tout seul, et ce ne sera pas de tout repos. Nous aurons à convaincre une classe politique trop lâche et trop frileuse qui dans un premier temps refusera de prendre ses responsabilités. Nous aurons probablement également à subir l'hostilité des médias dominants, qui défendront sans doute Nicolas Sarkozy bec et ongles. Profitons-en pour réaffirmer haut et fort le fait que l'indépendance et le pluralisme des médias doivent impérativement devenir des questions politiques prioritaires dans ce pays !
Ce ne sera pas simple, mais nous avons des moyens :
- Tout d'abord, en discutant ! Avec vos proches, vos amis, vos collègues. L'idée de la destitution d'un Président incapable d'assumer ses fonctions et qui menace notre Constitution, doit sortir du tabou dans lequel elle est enfermée. Cette idée doit être reprise, commentée, discutée, agitée.
- Il faudra signer et faire circuler toutes les pétitions qui iront dans ce sens.
- Il faudra contacter nos représentants, et exiger d'eux qu'ils nous représentent.
- Il faudra manifester pacifiquement, le week-end d'abord.
- Et si ça ne suffit pas, il faudra sans doute également faire grève, jusqu'à ce que nous obtenions gain de cause.
A la question : "peut-on obtenir la destitution de Nicolas Sarkozy ?", la réponse ne dépend que de nous. Si nous sommes prêts à nous mobiliser, alors la réponse est "oui", sans aucun doute. En revanche, si nous ne sommes pas prêts à défendre les valeurs de la République, alors il faudra en tirer les conclusions qui s'imposent : cela signifierait que nous ne méritons pas mieux que Nicolas Sarkozy.
Dans les semaines et les mois à venir, les questions auxquelles nous aurons à répondre, collectivement et individuellement, sont donc :
- A-t-on quatre ans de plus à perdre avec Nicolas Sarkozy ?
- Va-t-on permettre qu'un Président de la République bafoue continuellement notre Constitution et les principes de notre République ?
- Va-t-on oui ou non se mobiliser pour exiger sa destitution ?
7 commentaires:
"Puis cette Haute Cour (composée des Sénateurs et des Députés) doit voter la destitution du président de la République"
Que l'on arrive à mobiliser assez de députés et de sénateurs pour arriver à faire voter la destitution me semble plus que difficile.
Ils sont si peu actuellement à avoir du courage... Si encore il y avait une oppostion structurée et digne de ce nom... Je ne veux pas être défaitiste, mais en admettant qu'il y ait une chance d'y arriver, ce ne sera pas rapide.
J'aurais tendance à rejoindre Françoise. Si ta démonstration est plus que convaincante (entre autres quand tu soulignes que Sarko pourra toujours descendre assez bas dans les sondages pour trouver du pétrole, ça ne l'empêchera pas de continuer sa politique), je ne crois pas que l'on puisse un jour espérer voir le petit monier se faire destituer. A moins qu'il ne pousse encore le bouchon beaucoup beaucoup plus loin que ce qu'il a fait…
Par contre… je crois plus à une "destitution populaire". A une révolte sauvage d'une partie des Français. Au grand soir, quoi.
Le problème, à trop se focaliser sur la personne de Sarkozy, c'est qu'on a tendance à oublier qu'il n'est que le pivot d'un système politico-médiatique...
Le faire destituer, pourquoi pas, mais ça ne résoudra le problème que le temps que deux têtes d'hydre repoussent à la place de la sienne...
@ Françoise :
Oui il me semble clair que nos représentants ne joueront pas un rôle moteur, c'est à nous de le jouer.
Quand je dis "nous pouvons les y contraindre", je pense en particulier à ce qu'on appelle "les mouvements sociaux". C'est à ça que ça sert.
Je repense à ce que disait Maurice Kriegel-Valrimont :
Il faut se rappeler que quelques semaines avant le déclenchement des événements de 68, celui qui était à l’époque le meilleur observateur de la politique française, Viasson-Ponté, disait explicitement : « Il se passe rien, il se passe rien, il peut rien se passer ». Et quelques semaines après, vous aviez l’énorme phénomène de 68. Donc il faut se méfier des prévisions un peu trop hâtives...
Je ne crois pas non plus que c'est une chose qui se fera de façon rapide. C'est une question de semaines, voir de mois. Mais qu'est ce qui fait que les choses changent ?
@ Charençon :
Qu'il "pousse le bouchon beaucoup beacoup plus loin", jusqu'où ? Quelle est cette limite ?
Je crois qu'il n'y a pas de limite.
La perspective dont tu parles, celle d'une "révolte sauvage", je ne m'en réjouis pas, au contraire !
D'une manière générale, je crois qu'il y a beaucoup plus à perdre qu'à gagner à voir se développer des comportements "sauvages".
Et c'est encore plus vrai dans le cas présent, parce qu'en plus Nicolas Sarkozy en sortirait probablement renforcé.
C'est pour ça qu'il me semble important que modérés, non violents et démocrates s'emparent de cette question. Parce que sinon, effectivement il y a un risque pour que la réaction soit violente. C'est une chose que je ne souhaite pas, parce qu'à mon avis ça n'augure rien de bon.
@ Seleinos :
Tu as raison. Mais contester Sarkozy, c'est également contester ce qui a rendu possible le "mirage Sarkozy". C'est contester la donne médiatique actuelle, c'est contester le déficit en terme de pluralisme. Ces aspects sont tellement liés qu'on peut difficilement faire l'un sans faire l'autre.
Ca ouvre une fenêtre, et je pense qu'il peut en sortir des choses positives.
Les 40 ans de Mai 68, ça se fête comment ?? on pourrait pas la faire là, notre protestation ? je suis toujours stupéfaite de voir que chacun manifeste dans son coin, dès qu'il sent le vent tourner pour son boulot. UN exemple, la S.N.C.F. : une fois c'est grève chez les contrôleur, une fois c'est les conducteurs, une fois c'est les guichetiers. Si on faisait tout en même temps ? il est où le(la) charismatique meneur(euse) qui synchronisera tout çà ??
C'est effectivement assez triste, mais très réaliste.
Je ne pense pas que nous ayons assez d'éléments pour demander sa destitution
@ Coqueli-so
Le meneur charismatique ? en tout cas pas dans les Confédés et fédés syndicales qui n'ont qu'une obsession : empêcher les convergences et les mouvements autres que sporadiques et catégoriels. Comme toujours, nos pires ennemis sont ceux qui se prétendent de gauche...
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