mardi 29 mai 2007

Un monde médiatiquement modifié

Les experts sont formels : il y aurait bel et bien un monde au-delà de nos frontières nationales.



Sur cette carte, la taille de chaque pays est proportionnelle au nombre de sujets qui lui ont été consacrés dans les JT en 2005 (d'après l'INA).
- Illustration : Marc Clamens -



Un article intéressant de Weronika Zarachowicz, paru dans Télérama n° 2944 - 17 Juin 2006, dans lequel elle analyse le traitement de l'actualité internationale par les JT de 20h en 2005.

Quelques extraits :


Des cataclysmes, peu de géopolitique, beaucoup de témoignages, peu d’analyse… l’actualité internationale par les grand-messes du 20 heures dessine un monde en net décalage avec la réalité. Une terre aux contours insolites, sauf sur Arte.

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Ainsi Bernard Volker, le « monsieur politique internationale » de TF1, résume-t-il la place qu’occupe l’actualité étrangère dans nos JT de 20 heures : une place à géométrie variable, qui ne va jamais de soi. « Il y a une tendance générale au repli sur l’actualité nationale »

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Cette drôle de géographie, c’est pourtant celle que nos journaux télévisés construisent et qu’ils nous retransmettent, jour après jour, reportage après reportage, brève après brève. Et qui constitue LA planète aux yeux d’une majorité de Français, en dehors de leurs voyages à l’étranger. Et pour cause : 20 millions de Français sont au rendez-vous devant les trois JT du soir et, pour 70 % d’entre eux, ceux-ci constituent la seule source d’information…

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Imaginez donc un JT sans catastrophes naturelles ... « Ce ne serait plus un JT », s’amuse un journaliste de TF1. Force est de constater que la météo est devenue la première pourvoyeuse de sujets « internationaux », aux côtés des catastrophes non naturelles (à commencer par les crashs aériens) et des conflits armés (à condition qu’il y ait une présence occidentale).

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Fascination pour les catastrophes, suivisme, intérêt croissant pour les questions environnementales, les raisons sont multiples. Mais surtout, en matière internationale comme ailleurs, il n’y a pas mieux qu’une catastrophe pour faire carburer son JT à l’émotion. Et fédérer les téléspectateurs. D’autant plus si, comme dans le cas du tsunami, la catastrophe frappe aussi des touristes occidentaux.

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Il fut un temps où parler d’international revenait à rendre compte des visites officielles ou du dernier sommet de l’Otan. Au début des années 90, TF1 n’hésitait pas à envoyer six journalistes pour couvrir une réunion du G7. Autres temps, autres mœurs. « Aujourd’hui, on se retrouve à deux, au grand maximum », constate-t-on à TF1. L’évolution est générale : moins d’institutionnel, moins d’analyse, plus de reportages. De Moscou à Washington via Londres ou Rome, les correspondants permanents, autrefois pourvoyeurs de sujets diplomatiques, sont devenus des bureaux d’« info géné ».

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La faible place accordée à l’analyse s’explique aussi par la disparition des journalistes spécialisés. Les éditorialistes capables de décrypter les enjeux d’une zone ont été écartés des plateaux, à l’exception de Christian Mallard sur France 3 et Vincent Hervouët sur LCI. Poussant la logique jusqu’au bout, TF1 a dissout son service étranger dans un service de reportages généralistes, il y a déjà dix ans. Evolution similaire à France 2 qui dispose désormais d’un « pool étranger et infos géné » assuré par des journalistes « transversaux », qui couvrent aussi bien la crise des banlieues qu’une arrivée massive de réfugiés à Tenerife. « Ça donne une approche plus percutante, mais plus on “dé-spécialise”, moins on est pertinent et exigeant », regrette Philippe Lefait, ex-présentateur des JT de France 2.

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« Pour l’international comme ailleurs, on est dans l’ère du testimonial, analyse Philippe Lefait. D’où une approche plus sociologisante. Il ne s’agit plus de savoir si on peut expliquer une situation, mais s’il y a un témoin pour en parler. Et s’il n’y en a pas, il n’y a pas d’événement. »

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L’explosion technologique a, elle aussi, changé la donne. « Il n’y a plus de distance entre l’événement et le téléspectateur, le monde est à disposition, tout de suite, explique Lefait. Le journaliste, en tant que médiateur capable de recul et d’analyse, est une espèce en voie de disparition.

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« L’étranger, surtout en phase de mondialisation accélérée, fait peur, résume un journaliste de la chaîne. On ne l’aborde que sous l’angle : mais qu’est-ce qu’ils sont fous, ces Américains ! Qu’est-ce qu’ils sont bizarres, ces Chinois ! » Manière de rassurer le téléspectateur : y a pas photo, on est décidément mieux chez soi.

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L’évidence vaut d’être rappelée : le monde vu par Arte n’a rien à voir avec celui de ses concurrentes.

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La binationalité d’Arte, en l’occurrence, fait la différence. « Nos journaux se démarquent forcément puisqu’on s’adresse aussi aux Allemands, note Uwe-Lothar Müller. Or l’international reste un centre d’intérêt majeur outre-Rhin. » Et pour cause, les cinq correspondants permanents de TF1 à l’étranger, les dix de France 2, font pâle figure face à la vingtaine des chaînes publiques allemandes…

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Quand les responsables des autres chaînes reconnaissent tous que traiter d’international ne va pas de soi, Uwe-Lothar Müller fait figure d’ovni : « La politique internationale est capitale. D’autant plus qu’un événement à l’autre bout du monde peut avoir immédiatement des répercussions chez nous »

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