vendredi 25 avril 2008

De la présomption d'innocence à la présomption de culpabilité



A compter d'aujourd'hui, ce blog reprend du service. Pour recommencer en douceur, je vous propose un très bon article de Paul Villach, publié sur Agoravox il y a quelques semaines. J'en reprends quelques extraits, le texte complet est disponible ici.




La présomption d’innocence maltraitée par les médias de masse

S’il est un principe qui distingue la démocratie de la tyrannie, c’est bien celui de la présomption d’innocence. En démocratie, tout citoyen est présumé innocent tant qu’un tribunal, statuant en dernier ressort, n’a pas conclu définitivement par jugement à sa culpabilité.

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Et la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 l’a réaffirmé dans son article 11 : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »

En tyrannie, au contraire, tout sujet est, avant tout examen, considéré comme coupable, sous réserve qu’il apporte la preuve de son innocence, si tant est que les tyranneaux s’en soucient !
La différence n’est pas mince : en démocratie, la charge de la preuve est à l’accusateur et, en tyrannie, elle incombe à l’accusé.

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Rien ne semble donc plus difficile aujourd’hui que de s’en tenir à la présomption d’innocence. Et de ce travers tyrannique dangereux pour la démocratie, les médias en portent une part de responsabilité. Friands de crimes et de délits qui leur garantissent une audience par le réflexe inné de voyeurisme sollicité, ils n’y vont pas par quatre chemins pour condamner avant tout examen judiciaire les personnes mises en cause.

Il suffit pour s’en rendre compte de parcourir les pages des journaux de ces dernières semaines. Ici, « un présumé violeur en série » est arrêté ; là, on attend « l’extradition des tueurs présumés » ; un jour, « l’agresseur présumé a été mis en examen pour meurtre et écroué » ; un autre jour, c’est un « appel à témoins (qui est lancé) pour localiser les victimes d’un pédophile présumé ». Quant au procureur de Nice, É. De Montgolfier, il est « mis en examen pour un maintien en détention présumé abusif ». Même M. Robert Badinter succombe à cette mode : interrogé par Le Monde, le 25 février dernier, sur la rétention de sûreté des criminels dangereux après accomplissement de leur peine, il parle de la nécessité « dès le début de l’instruction (...) d’établir un diagnostic de l’auteur présumé du crime ». Et si l’on tape sous Google les expressions « agresseur présumé », « violeur présumé » ou « meurtrier présumé », les exemples abondent.

Serait-ce que les médias en général ignorent le sens de l’adjectif « présumé » : « que l’on croit tel par hypothèse », dit le dictionnaire Robert, c’est-à-dire que l’on tient pour tel avant tout examen.
« Un agresseur présumé » est donc bien une personne que l’on présente comme agresseur avant tout examen, quand en démocratie on ne peut être déclaré tel qu’après examen judiciaire. Certains médias en sont conscients puisqu’ils savent parfois parler du « portrait robot d’une femme soupçonnée d’avoir livré le colis au cabinet », d’une « plainte pour disparition et enlèvement supposé » ou encore du « suspect (qui) a dû remettre son passeport ».
Les mots existent bel et bien en français pour respecter l’innocence présumée d’une personne recherchée ou poursuivie.

Pourquoi donc cette obstination dans l’erreur ? Errare humanum est, perseverare diabolicum. De deux choses l’une, ou les journalistes ignorent ce rudiment de droit ou au contraire ils le connaissent. Mais dans les deux cas, ils inculquent à leur insu ou sciemment dans les esprits, sans en avoir l’air, une habitude de pensée qui ruine un principe différenciant démocratie et tyrannie.

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Mais, la répétition étant le procédé indolore de l’inculcation, à force de répétitions dans les médias, les gens simples finissent par se constituer un corpus d’idées tyranniques à leur insu qui empoisonnent leur mode de pensée. Car, dit le proverbe, « il n’est pas d’erreur qui, inlassablement répétée, ne finisse par prendre des airs de vérité ».


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