lundi 29 octobre 2007

Pic Pétrolier : "il y aura encore du pétrole dans 40 ans", mais le problème n'est pas là...



Il y a quelques semaines, Arte a consacré une soirée spéciale au réchauffement climatique, à la fin du pétrole et aux énergies alternatives. Il y a eu des choses intéressantes, j'y reviendrai dans un billet ultérieur. Ce qui m'intéresse ici, c'est plutôt ce qui n'a pas été dit. Arte a réussi le tour de force de passer un documentaire sur la fin du pétrole sans parler du Pic de Hubbert (Pic pétrolier, ou Peak Oil). C'est une sacrée performance !!

Le seul passage où le mot "pic" est prononcé est le suivant :

Le mot est mentionné une seule fois, sans aucune explication. On passe immédiatement à autre chose et on n'y reviendra plus par la suite.

Le reportage se termine par quelque chose comme : un beau jour, la dernière goutte de pétrole sortira du dernier pipeline, et là de sérieux problèmes se poseront. Cette manière de présenter les choses, couplée à l'idée selon laquelle "les réserves sont estimées à un niveau qui correspond à 40 ans production au rythme actuel", incite à tenir un raisonnement trompeur : il reste quelques décennies de production au rythme actuel, puis la production chutera brutalement.

Or ce raisonnement est faux. Oui, il restera du pétrole dans 40 ans. Il en restera même sans doute encore dans 100 ou dans 150 ans. La bonne question n'est pas "pour combien de temps reste-t-il du pétrole ?", ni "quand la dernière goutte sera-t-elle extraite ?". La bonne question c'est : "quelle est, et quelle sera l'évolution de la capacité de production mondiale de pétrole ?".










J'ai entendu parler de la notion de Pic de Hubbert, ou Pic Pétrolier pour la première fois dans le livre Pétrole Appocalypse (2005) d'Yves Cochet. Yves Cochet est docteur en mathématiques, homme politique français membre des Verts, député du Val d'Oise de 1997 à 2002, ministre de l'écologie du gouvernement Jospin en 2001-2002. Il est député de la 11ème circonscription de Paris depuis 2002.


L'extraction de pétrole ne stoppe pas brutalement du jour au lendemain. Comme l'a montré Marion King Hubbert en étudiant la production de pétrole brut aux Etats-Unis, la production suit une courbe en cloche : elle passe par un maximum puis décline inexorablement de manière irréversible. Ce dont il est question, ce n'est pas la fin du pétrole !! C'est la fin du pétrole bon marché.



La question est : quand le pic de production mondiale aura-t-il lieu ?
La quantité de découvertes de nouveaux gisements facilement exploitables est négligeable : il n'y a pas de miracle à attendre de ce coté là. La production stagne depuis 2 ans et parvient difficilement à suivre une demande qui continue de croître.

Pour l'Agence Internationale de l'Energie (IEA pour International Energy Agency), le pic aura lieu d'ici 5 ans.

La conférence de l'ASPO qui s'est tenue à Cork au début du mois, estime qu'il aura lieu d'ici 2010. Voir article : Le compte à rebours a commencé.

Plus alarmant encore, il y a tout juste une semaine, l'Energy Watch Group (un organisme allemand composé de scientifiques et de parlementaires, fondé par le député Hans-Josef Fell) a publié un rapport dans lequel ils estiment l'année du pic de production à ... 2006 ! (Voir article). S'ils disent vrai, nous sommes entrés dans la phase de déclin de la production mondiale, tandis que la demande continue de croître. L'envolée des prix du pétrole est inévitable, et elle n'en est qu'à ses débuts. (voir billet)







Nous sommes la civilisation du pétrole. Un simple coup d'oeil autour de vous devrait suffire à vous en convaincre : du clavier sur lequel je tape à la souris que vous avez entre les doigts, à peu près tout ce qui nous entoure est à base de pétrole. Voir : une liste des domaines d'application des produits dérivés du pétrole. Le secteur des transports est particulièrement critique, puisque tous les pans de l'économie en dépendent. Et que dire de l'agriculture ?


Selon Robert Hirsch (auteur du rapport sur le pic pétrolier pour le ministère de l'énergie des Etats-Unis en 2005), nous allons entrer en phase de récession économique : la "croissance" est condamnée.



Contrairement aux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 qui étaient avant tout politiques, celui qui s'annonce est d'ordre géologique. Il est donc durable et irréversible.

Le contrecoup économique et social risque d'être d'autant plus fort qu'on a fait semblant, et qu'on continue à faire semblant de ne pas le voir venir, en prétendant que la hausse des cours du brut est liée à des tensions politiques régionales et que cette hausse est passagère. Une chose semble certaine pourtant : guerre ou pas guerre pour le contrôle de la production du pétrole en Iran ou ailleurs, nous sommes définitivement sortis de l'ère du pétrole à bas prix, et cette tendance ne peut aller qu'en s'aggravant.



5 commentaires:

Anonyme a dit…

http://www.leplacide.com/caricature/caricature.php?datemoins=2007-10-26

Anonyme a dit…

Quelques documents pour confirmer, à trouver ici : http://futura24.site.voila.fr/petrole/liens.htm


En effet, nous pourrions être au sommet de la courbe de production du pétrole.

La situation de cet hiver sera à surveiller de près.

Anonyme a dit…

Salut Victor

Intéressant ce site : http://futura24.site.voila.fr
Je ne connaissais pas. J'ai jeté un coup d'oeil, je regarderai ça plus en détails. Merci pour ce lien.

Vous participez à la rédaction ?

Anonyme a dit…

Un autre dossier intéressant dans un domaine voisin : Le charbon

Le charbon ne durera pas deux siècles, comme on l'entend dire un peu partout, mais beaucoup moins longtemps.

En six ans, de 1999 à 2005, les réserves dites "prouvées" de charbon ont diminué de 14 %.

En années de production, les réserves sont ainsi passées de 227 à 144 ans, soit une diminution de durée de 83 ans (- 36 %) en six ans.

Beaucoup de détails.

ET a dit…

Celà aurrait pu ne pas être catastrophique, depuis longtemps, nous avons des alternatives techniques au pétrole, nous connaissons des moteurs bien plus peformants et plus efficients, en termes de puissance comparée à la consommation, que le moteur à explosion. Et nous avons autour de nous des sources multiples pour les faire tourner. Il ne manque jusqu'ici que la volonté politique d'aborder ces solutions qui parfois ont du mal à s'intégrer dans un modèle de profit. Le moteur steerling, par exemple, qui a plus de 200 ans et a été amélioré au point de dépasser le moteur à explosion en rendement, n'utilise pas à profusion de ressources qui s'achètent sur un marché, ils fonctionnent à la différence de température. Un tas de fumier,la chaleur animale, le soleil reflété sur une parabole, ou des déjections compostées peuvent fournir cette énergie.