samedi 22 septembre 2007

Chomsky : à propos de la culpabilité

George W. Bush a dit en plaisantant (encore qu'avec ce type, on ne peut jamais être sûr de quoi que ce soit) : "ce serait sacrément plus simple si c'était une dictature, à condition que ce soit moi le dictateur".


Pas con le bougre. Dans une dictature, tout est beaucoup plus simple : on ne te demande pas ton avis, et si tu n'es pas content on te fout sur la gueule jusqu'à ce que tu sois d'accord.

Dans une démocratie, la responsabilité est partagée. Responsabilité partagée ne veut pas dire pas de responsabilité du tout. Dans un billet précédent, Chomsky disait : "nous, en tant que citoyens de sociétés démocratiques, sommes directement responsables des politiques qui sont menées en notre nom".


Dans un nouvel extrait de Manufacturing Consent, Chomsky va un peu plus loin et aborde la question de la culpabilité.






Selon lui, ce sont les gens sensés, raisonnables, modérés et tolérants qui, du fait de leur passivité et de leur apathie, portent une très lourde part de responsabilité dans le déroulement des choses. Responsabilité dont ils se défaussent volontiers, un peu trop facilement, sur le dos de ceux qui sont en apparence plus violents et plus extrêmes.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu n'as jamais hésité à utiliser les arguments les plus provocateurs, et c'est ce qui fait le succès de ton blog (ben si, regarde, je le consulte régulièrement).

Là, c'est encore le cas, bien que la réthorique de Chomsky soit assez facile à démonter... A moins qu'il n'y ait un contexte que l'extrait ne nous donne pas à voir.

Premièrement, sur la notion de culpabilité. A partir du moment où il ne peut s'agir dans ce contexte d'une notion juridique, il s'agit bien d'une notion morale, voire religieuse. D'ailleurs, le présentateur (qui n'a rien d'un PPDA), le dit bien. Si tout le monde est coupable, c'est que personne ne l'est... Chomsky est d'ailleurs mal à l'aise pour exprimer sa pensée. Tout simplement, selon moi, parce qu'il part du présupposé que QUELQU'UN est coupable, et qu'il faut le désigner. Pourquoi donc sentiment religieux ? Parce qu'il y a cette notion de culpabilité d'un crime commis par d'autres. Mais Chomsky ne dit pas que nous sommes RESPONSABLES, ce qui aurait pu se défendre, il dit que nous sommes COUPABLES.
Autrement formulé, selon moi, le problème avec le paradigme qu'il décrit est justement qu'il est difficile d'identifier un COUPABLE, et que notre système démocratique, encore jeune à l'échelle de l'histoire humaine, ne possède pas les outils conceptuels pour répondre à cette situation.
Illustration récente en date, l'exécution de Saddam Hussein, comme COUPABLE d'une situation pourtant autrement plus complexe.

Deuxièmement, il ne définit pas précisément qui englobe ce "nous". Il dit "notre société", mais sépare ensuite les personnes entre d'une part "les personnes sensées, etc," et "les extrêmes et violents", qui, dans sa réthorique spécieuse, seraient donc moins coupables. Cette séparation est purement artificielle, et revient à confondre l'activisme et les convictions. Elle revient également à admettre une norme tacite, ce qui est étrange. L'extrêmisme n'est pas une position en soi, c'est une position par rapport à une répartition "statistique" arbitraire des idées sur un sujet donné et à un instant donné.
Quelqu'un qui serait systématiquement - je dirais même "par essence" - extrêmiste et violent serait effectivement un grand malade !
Ainsi, par exemple, on peut penser que Gandhi était un extrêmiste de la non-violence ;-).
Alors bien sûr, on peut penser que la motivation d'une action peut être proportionnelle à l'écart à la norme. C'est parfois vrai, mais c'est parfois faux.

Ce qui est surement vrai cependant, c'est que notre cerveau voit surtout ce qui "sort de la norme". Par exemple une personne blanche au milieu d'une population noire. Un anti-démocrate au milieu d'une population démocrate. Etc.

Faire un amalgame entre modération et apathie devient dès lors un peu désolant.

NB : Voir aussi la chanson "Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable" de Thiéfaine.

Anonyme a dit…

> Tu n'as jamais hésité à utiliser les arguments les plus provocateurs, et c'est
> ce qui fait le succès de ton blog (ben si, regarde, je le consulte régulièrement).

Ben voyons, t'as qu'à dire que j'ose tout, et que c'est même à ça qu'on me reconnait :)
http://www.gravier.org/LesCons/LesConsCaOseTout.au



Oui, Chomsky défend des valeurs et un certaine idée de la morale. Mais non, son discours n'a rien de théologique. Ce n'est pas parce que la religion de son coté véhicule des valeurs similaires, qu'un discours basé sur ces valeurs a quoi que ce soit de religieux. Je ne suis pas croyant, ça ne m'empêche pas de penser qu'il a raison. Tu ne vas quand même pas me sortir une sarkozerie du genre : "La dimension morale est plus solide, plus enracinée lorsqu’elle procède d’une démarche spirituelle, religieuse, plutôt que lorsqu’elle cherche sa source dans le débat politique ou dans le modèle républicain", juste pour donner tort à Chomsky.


"Should share a heavy burden of guilt", qui est traduit par "doivent partager le fardeau de la culpabilité".
"guilt" c'est bien "culpabilité", mais je ne pense pas qu'il soit employé dans le sens juridique du terme, c'est pour ça que je l'ai remplacé par "responsabilité" lorsque je reformule ce qui me semble être le sens de son propos.

Je ne pense pas qu'il faille le prendre comme une "accusation", qui appelle une "décision juridique" et éventuellement une "condamnation" et une "réparation" pour un "préjudice". Ce qu'il dit, je le vois comme une sorte d'extension du principe de "non assistance à personne en danger", au sens très large, bien au-delà du cadre juridique qui définit cette notion. En quelque sorte, si on a la possibilité de faire quelque chose mais qu'on ne fait rien, on est en partie responsable de la situation, même si on en n'est pas les initiateurs, ni même ceux à qui elle profite le plus.
Sur cette échelle de valeurs, la seule personne à même de juger tes actes, c'est toi-même. C'est ce qui rend la chose à la fois très simple ("je n'y suis pour rien, donc je n'ai rien à voir là-dedans"), et très compliquée ("on peut toujours faire plus, on peut toujours faire mieux. Est ce que j'ai fait ma part ?").


Sinon pour le coup de "Gandhi extrémisme de la non-violence"... L'extremisme de la modération... C'est peu commun comme concept ;)

Anonyme a dit…

Cela mérite réflexion. Je pense qu'il serait intéressant de connaître l'avis un peu plus développé de Chomsky. Personnellement j'ai développé l'idée que la société de consommation rend quelque peu autiste. Il y a aussi la complexité du monde qui peut souvent désarmer les bonnes volontés. Mais est-ce une excuse suffisante ?
En tous les cas la question est très intéressante. Et cela me permet de mettre un visage sur ce nom : Chomsky, une des références du Monde diplomatique.

Anonyme a dit…

Tu devrais jeter un coup d'oeil à la liste des articles qui contiennent des extraits du documentaire "Manufacturing Consent" sur Noam Chomsky. Je pense que le dernier extrait qu'il me reste à rajouter apportera un élément de réponse à cette question.

Ca se passe ici :
Billets Manufacturing Consent